Quand on fait preuve d'un minimum de lucidité, Close to the Edge est le premier véritable album de rock progressif de YES. Non pas parce que les morceaux sont au nombre de 3 et durent minimum 9 minutes, mais bien parce que le groupe de Chris Squire se donne l'ambition de réaliser des fresques musicales complexes qui demandent par conséquent des développements assez longs et complexes. Une vraie bénédiction pour les fans de The Yes Album et Fragile, mais qui peut laisser sceptique.

Le morceau-titre, qui occupe toute la face A du vinyle d'origine, est une preuve flagrante que YES, à défaut d'être de base un groupe de prog, était fait pour le genre. Les divers instruments sont mis au service d'une musique complexe et nerveuse, tempérée par le chant de Jon Anderson, qui commence ici à aller à fond côté ésotérisme pouet-pouet voire new-age. Le tout est plus décousu que des mouvements progressifs contemporains, mais reste très solide. En particulier, la sous-partie "I get up, I get down", qui vire carrément ambient, est une merveille qu'on peut décemment qualifier de magique, quand bien même le chant est sacrément mielleux.

Il y a de quoi être plus sceptique vis-à-vis de la face B. "And You and I" est un morceau moins expansif, plus proche d'une réalité folk-rock dans ses « couplets ». Il faut pour certains du temps pour apprécier réellement le morceau, à titre personnel, il m'aura fallu entendre les diverses versions live pour revenir à l'essence du morceau. En revanche, "Siberian Khatru" restera malheureusement l'occasion ratée de faire un nouveau grand morceau du répertoire de YES. Pourtant, le solo d'introduction est énorme, les claviers de Wakeman sonnent kitsch sans être ridicules, et la section rythmique est à se damner. Mais le morceau finit par tourner en rond, et de manière trop irritante.

Close to the Edge est un album révéré, et pas seulement par les fans de YES, mais aussi les amateurs de rock progressif. Et on peut les comprendre : la volonté de faire une musique complexe, libérée de tout carcan, est respectée ici. Mais il y a encore plein de choses à perfectionner pour réaliser un vrai classique du genre.