AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Troisième album du groupe, More occupe une place spécifique dans la discographie du FLOYD. C’est le premier sans Syd Barrett (il subsistait sa trace sur le précédent A Saucerful of Secrets) et c’est la musique du film More de Barbet Schroeder, lequel ayant très mal vieilli est loin d’être un chef-d’œuvre. En deux mots, c’est une histoire d’amour et de drogue à Ibiza, prétexte à de belles images et à des dialogues d’une consternante banalité.

Contre toute attente, ce disque, pourtant juste une commande, composé en visionnant les rushes du film, s'avère fondateur.
Nous sommes loin des voyages dans l’espace des débuts, loin des longues suites musicales, loin des concept-albums, loin des murs qui se montent et s’effondrent, pourtant tout ce qui fait la magie du groupe est dans ce disque.

"Cirrus Minor" est une superbe ballade psychédélique avec guitare acoustique, chant d’oiseau, orgue délicat. Mais le réveil est brutal avec "The Nile Song" qui claque, le FLOYD sait jouer fort et heavy et la voix est hargneuse.
Contraste avec "Crying Song", acoustique et délicat contrairement à son titre, puis "Up The Khyber", allumé, qui décrit un bad trip très bien rendu.

Arrivent les deux grands morceaux de l’album qui seront souvent joués en concert, "Green is The Colour" et "Cymbaline", le premier très pop dans ce qu’aurait pu faire Syd, l’autre plus psychédélique, mais les deux envoûtants, magiques, inoubliables. La beauté du FLOYD n’est pas dans les morceaux ultra-connus, elle est ici, discrète, douce, fascinante, simple mais efficace.

"Party Sequence", très court, tam-tam et flute pour illustrer une fête, n’est pas inoubliable ;
"Main Theme" prépare le FLOYD du futur, longue introduction, les cymbales de Mason sont à la fête, et Gilmour nous démontre qu’il est un sacré guitariste.
"Ibiza Bar" est de la même veine, en moins percutant que "The Nile Song" ; vient ensuite encore un morceau calme "More Blues", blues léger presque hendrixien.

"Quicksilver" (hommage du groupe au grand et regretté John Cipollina ?) commence avec des bruitages qui seront développés plus tard dans Dark Side of the Moon, puis cela part un peu dans tous les sens avant l’arrivée de l’orgue. Une sorte de brouillon pour les prochains morceaux.
"A Spanish Piece" et son flamenco fait remplissage (un peu comme certains morceaux de Meddle) et le disque se termine par "Dramatic Theme" qui reprend la trame de "Main Theme" avec un thème de basse simpliste mais réussi, et les fabuleuses guitares de Gilmour, qui a le mot de la fin dans un tourbillon délicat.

Outre ses aspects prémonitoires, ce disque est une superbe réussite : le groupe est en forte période créative. Les musiciens exposent leurs thèmes, Waters n’a pas encore pris le melon, Gilmour fait étalage de son immense talent, Wright tripote habilement ses claviers, et Mason nous propose son fameux jeu de cymbales.

Si tout le monde a oublié le film, il n’en est pas de même de sa musique (qui d’ailleurs porte les images) et More reste un album de référence.