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JAZZ éLECTRIQUE / FUNK  |  STUDIO

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- Style : Ennio Morricone
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 Guide Jazz (808)

Miles DAVIS - Bitches Brew (1970)
Par ONCLE VIANDE le 30 Août 2007          Consultée 20459 fois

On connaît Bitches Brew avant de l’avoir écouté. Cette pochette fameuse a fini par installer les plus folles suppositions quant à son contenu. Graphiquement, l’œuvre est déjà une merveille et influencera les productions fusion de la décennie. Un recto solaire et torride, ciel électrique où convergent les énergies de la terre. Un verso nocturne et cosmique, nuit secrète où s’accomplit l’inavouable, l’indicible. Jeu de miroir, de négatif, et des femmes, partout, enlacées, mélangées, prêtresses lubriques ou initiatrices obscures. Un simple coup d’œil sur le line-up confirme les premières intuitions : quatre batteurs-percussionnistes crédités en plus de Billy Cobham et d’Airto Moreira. Bitches Brew est une jungle percussive, un monument à la gloire du rythme, une célébration du continent noir et de ses corps. Il retrouve l’Afrique de Sorcerer et des Filles de Kilimanjaro, qui s’était perdue sur In a Silent Way, plus chic, plus propice aux salons. On ne peut en parler sans évoquer son frère aîné. Tout les oppose en vérité ; ordre et chaos, retenue et effusion, esprit et corps, eau/air et terre/feu. Bitches Brew est un rite vaudou, une possession, un nouveau tempo. Il n’accompagne plus le corps, mais l’habite. Il n’est plus un parcours liquide et horizontal mais la verticalité d’une flamme ardente, une aspiration vers le haut.

La musique de DAVIS se fait délibérément corporelle et se libère de tellement de carcans que la notion de jazz devient floue. Il n’y a ici plus rien de cool ou de swing, la transe est violente et animale, le groove roi. La répartition droite/gauche des percussions crée un balancement véloce, un déhanchement irrésistible à faire danser les morts. Les claviers en ébullition dynamitent toute mélodie. Le désordre harmonique règne si bien qu’il ne reste plus que le rythme auquel se raccrocher, dernier repère fiable, à la fois ciment et essence de l’œuvre. John McLaughin jouit d’une exposition qu’il n’avait pas sur In a Silent Way. Lui, l’ascète blanc, lâché au milieu de ce complot métissé, saura passer de l’amplification à la saturation et imposer sa griffe au disque, au-delà du titre qui porte son nom, par un jeu tout en convulsions, tantôt free tantôt funky. Ce funk justement prend source ici dans l’œuvre du trompettiste et ne cessera de gagner du terrain sur les autres composantes de sa musique. Bitches Brew illustre d’ailleurs bien ce qui différencia DAVIS de COLTRANE dans les années soixante. Il assouplissait et nourrissait le jazz tandis que l’autre le radicalisait et le décharnait.

Le jeu de DAVIS se fait plus frénétique, même s’il refusera toujours de s’aventurer sur les rivages free. Les improvisations sont pleines de drogues. Les traitements utilisés sur le titre éponyme relèvent du psychédélisme et annoncent les wah-wah et les amplifications des productions suivantes. Bitches Brew est autant témoin qu’acteur d’une époque effervescente. L'influence du rock, très marquée, explique en partie son large succès au-delà du cercle du jazz. Il compte parmi les expériences rock (j’ai bien dit rock) les plus excitantes du moment et appartient autant à son histoire qu’à celle du jazz.

Miles DAVIS réinvente l’improvisation. Il attire ses musiciens dans un guet-apens, dans une nuit faussement improvisée, les laisse fabriquer la matière vive, ne leur dévoile rien de sa stratégie géniale et leur demande de jouer, jouer, encore et encore, comme s’il s’agissait de sessions ordinaires. Il remonte ensuite les bandes dont la longueur et la richesse suffiraient à nourrir toute une carrière. Couper, déplacer, boucler ou ôter pour recréer en aval, remodeler les structures, reconstituer des enchaînements et des élans qui n’ont jamais existé.

Miles DAVIS s’illustre peu en musicien, encore moins en soliste, non que son jeu ne constitue pas un attrait en soi, mais c’est avant tout en chef-d’orchestre et en stratège qu’il s’impose. Il pense une formule, il a la vision, cette vision qui habite Coleman lorsqu’il oppose deux quartets et fait naître le chaos, ou COLTRANE qui ne s’accompagne plus que de Rashied Ali pour organiser un duel aveugle. Le génie directif de DAVIS consiste précisément à ne pas diriger. Il laisse ses musiciens libres, n’exerce aucun contrôle sur la matière qu’ils font jaillir, matière qu’il veut ardente et non domestiquée, et à laquelle il sait parfois ne pas prendre part. Il en favorise l’émergence, instaure une télépathie. Il crée les conditions, ce qui concrètement se résume à peu de choses ; quelques thèmes simples (celui de "Bitches Brew" n’utilise qu’une note), une feuille de route sommaire, un secret bien gardé, et des choix : les bons musiciens, au bon moment, au bon endroit.

Bitches Brew ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Toute la période jazz-funk de Miles DAVIS vaut le détour et le double de 1970 en est moins la quintessence que la partie visible. Big Fun qui découle des mêmes sessions se montre aussi intense. On the Corner transposera cette fièvre féroce et clairement sexuelle en milieu urbain pour n’en garder que la sève funk. Les insatiables feront l’acquisition du coffret The complete Bitches Brew Sessions qui propose plus de quatre heures de musique essentiellement issues des sessions qui nous intéressent ici. Grosses chaleurs en perspective.

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   ONCLE VIANDE

 
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- Miles Davis (trompette)
- Wayne Shorter (sax soprano)
- Bennie Maupin (clarinette basse)
- Joe Zawinul (piano électrique)
- Larry Young (piano électrique)
- Chick Corea (piano électrique)
- John Mclaughlin (guitare)
- Dave Holland (basse)
- Harvey Brooks (basse électrique)
- Lenny White (batterie)
- Jack Dejohnette (batterie)
- Don Alias (batterie, congas)
- Jumma Santos (shakers, congas)
- Billy Cobham (batterie sur “feio”)
- Airto Moreira (percussions sur “feio”)


- disque 1 :
1. Pharaoh’s Dance
2. Bitches Brew
- disque 2 :
3. Spanish Key
4. John Mclaughlin
5. Miles Runs The Voodoo Down
6. Sanctuary
7. Feio (bonus)



             



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