La situation est la suivante : Shelby Singleton ressort peu à peu du carton les vieux enregistrements Sun – il a racheté le catalogue - de Jerry Lee LEWIS, en alternance avec les sorties présentes. Le Killer passe donc sa vie au sommet des charts, c'était son destin, vous dira-t-il ! Nous voici donc face à une seconde fournée de vieux titres sun après le succès de The Golden Cream Of The Country. La maison d'édition ne s'embarrasse pas de détail et nous fourgue pour l'occase une photo de 1970 pour faire passer la pilule. Quelle pilule au fait ? Jerry Lee est au faîte de sa gloire et ses disques se vendent comme des petits pains.

Quelques petites perles n'avaient pas eu la chance et l'avantage de bénéficier d'une gravure sur un 33 tours ? Le boogie woogie de "Night Train To Memphis" est splendide d'aisance, Jerry Lee s'y "retient" avec beaucoup de volonté et reste presque sobre sur le solo de piano. Un sommet  jouissif ! La qualité des titres composés par les frères BURNETTE est telle que les boss de Smash mettent "As Long As I Live" sur cette resucée des années Sun, avec raison, car le killer est impressionnant sur ses interprétations, celle ci ne fait pas exception à la règle.

"I Can't Seem To Say Godbye" est un magnifique slow qui réunit tous les aspects les plus doux de la carrière de Jerry Lee, s'en est surprenant tellement on ne l'attend toujours pas sur un pareil registre. Ce vieux titre country sonne en revanche magnifiquement "présent" dans la disco du killer, et va atteindre la 7eme place du billboard, une bien belle opération pour Shelby. "I'm Throwing Rice" est un classique d'Eddy ARNOLD, on y retrouve le ton désabusé de Jerry Lee, et un piano agile de bout en bout.

Evidemment, Hank WILLIAMS est de la partie : "Your Cheatin Heart" est à nouveau là, en bonne position pour témoigner de l'importance du cowboy sur l'éclosion du rock'n'roll quinze ans auparavant. L'homme qui jouait du piano debout est ici magnifique d'aisance, on ne peut qu'être admiratif devant la facilité avec laquelle il domine ce classsique. "You Win Again" est aussi de la partie, il fallait s'y attendre pas vrai ? Jerry Lee y minaude avec un talent consommé.

Plusieurs titres étaient déjà présents sur son premier album de 1958 : ainsi la "Goodnight Irene" de LEAD BELLY trouve logiquement ici une seconde jeunesse. Puis son reconnaît la "Crazy Arms" de Ray PRICE, qui lui amènera beaucoup de succès. On n'entend pas de piano sur "Am I To Be The One", qu'il chante en duo avec son collègue Charlie RICH. On jurerait un titre des EVERLY BROTHERS ainsi arrangé, c'est bluffant ! Il reprend d'ailleurs Charlie ensuite sur "It Hurt Me So", pour un slow doowop typé fifties du plus bel effet. Enfin, le blues mid tempo de "I Love You So Much It Hurts" est tout aussi efficace que le reste.

Que puis-vous dire ? Il n'y a rien à jeter sur cette galette. Certains des titres ont enfin droit à une postérité méritée et certains classiques revoient le jour sous la verve incroyable de l'artiste qui se ballade comme s'il était le meilleur en tout. Attendez deux minutes, ne l'est-il pas en fait ? Un putain de trésor mondial ce mec, si vous évitez de vous marier avec lui ou juste de croiser son chemin, contentez-vous des disques ! Un quatre évident ! Ce qui est moins drôle en revanche, c'est que je ne vois pas bien comment éviter de traiter un jour les compiles Sun car il va en manquer un sacré paquet, et pas des moindres !