Dans la longue histoire des imbroglios en musique classique, la Seconde Suite pour orchestre de jazz n°2 est un cas d’école. En fait, normalement, elle s’intitule Première suite pour orchestre de variété, et regroupe des thèmes tirées des musiques de films, des ballets, et de la Première Suite pour orchestre de Jazz de CHOSTAKOVITCH. Mais vu que Mstislav ROSTROPOVITCH lui a donné le nom de Seconde suite pour orchestre de Jazz lors de sa création en 1988, et que la véritable Seconde Suite s’est perdu dans les limbes, on a pris le pli de l’appeler ainsi.

Cette suite de 1956 se place toujours dans l’optique d’une musique légère et gaie à la croisée de toutes les influences de la musique populaire. Les ébauches entraperçues sur la Première Suite ou dans les musiques de films s’y réalisent pleinement. La « Petite Polka », située au milieu de l’œuvre, reprend le thème au xylophone de la « Polka » de 1934, et l’intègre dans un développement un peu plus ambitieux.
Néanmoins, la reprise la plus marquante appartient à la « Deuxième Valse », avec son thème issu de la « Valse » de la suite précédente. Le morceau est de ceux qui font partie de l’inconscient collectif à force d’être utilisés pour des publicités et des répondeurs téléphoniques. A part les pingouins du Grand Nord, qui font mine de n’être au courant de rien, sans doute par snobisme, il est impossible de n’avoir jamais entendu la célèbre mélodie de cette valse. Ironie de l’Histoire, c’est un compositeur soviétique qui a composé le thème préféré des banquiers et des assureurs…

La Seconde Suite pour orchestre de jazz ne résume pas pour autant à cet unique morceau. La « Marche », la « Première Danse » et le « Finale » comportent chacun leur petite dose d’espièglerie. CHOSTAKOVITCH abandonne ici son ironie habituelle pour un ton plus malicieux qu’acerbe. Il affecte un style simple dans la lignée ses œuvres alimentaires post-Seconde Guerre mondiale. On retrouve d’ailleurs quelques accents de musique militaire sur la « Marche », heureusement tempérés par l’humour que le compositeur y insuffle. Comme toujours, CHOSTAKOVITCH excelle dans la parodie et dans le grotesque.

On regrettera quand même le manque de variété de l’ensemble, qui semble toujours répéter les mêmes structures. La « Valse lyrique », ce n’est pas la « Valse n°2 », mais ça y ressemble beaucoup. Le côté de désuet de la Suite touchera ou agacera selon l’humeur, si vous n’avez pas trop été traumatisés par les turpitudes d’André Rieu. Bref, une fausse redécouverte de la part de Riccardo CHAILLY, qui aura au moins réussi à faire connaître CHOSTAKOVITCH de tout le monde.


Fiche « Seconde Suite pour orchestre de Jazz » :
Véritable titre : Première suite pour orchestre de variété
Opus : 52b
Date de composition : 1956
Date de création : 1988 à Londres
Date d’enregistrement : 1991 par Riccardo Chailly et le Royal Concertgebouw Orchestra
Références du disque : The Jazz Album, 1992, Decca.