Les œuvres composées par CHOSTAKOVITCH entre 1948 et 1953 se divisent en deux catégories. Il y a les œuvres de propagande, écrite pour échapper aux persécutions de Jdanov et de l’Union des Compositeurs, et puis il y a les travaux sincères : le Premier Concerto pour violon, le Cycle des poésies juives, le Raïok, et enfin les Quatuors à cordes n°4 et 5. Toutes ces œuvres resteront cachées jusqu’à la mort de Staline, et pour le Raïok, jusqu’en 1989 !

Le Quatuor n°4, comme le Troisième avant lui, bénéficie d’une réputation flatteuse chez les amateurs de CHOSTAKOVITCH. C’est une œuvre, qui, par sa facture classique, est à rapprocher des premiers essais du compositeur en la matière. Avec ses trois « Allegretto », il se situe à l’antipode du Quinzième Quatuor et de sa lenteur macabre. Aux jeux des comparaisons, on peut encore mentionner le Quatuor n°2, écrit dans un esprit classique-folklorique assez proche. Le problème, c’est que le Quatuor n°4 ne propose pas de moment de grâce comparable au « Thème avec variations » de son prédécesseur.

À vrai dire, le Quatuor à cordes n°4 ne vaut que pour ses deux mouvements centraux. L’« Andantino » est une belle composition de style classique, avec un équilibre très travaillé entre les quatre instruments. Le second « Allegretto » est une pièce plus ambitieuse, avec une cavalcade des cordes qui rappelle la frénésie de la Symphonie n°9.

Du côté du premier et du dernier « Allegretto », le désert, ou presque. CHOSTAKOVITCH y est méconnaissable, pataud, emprunté. Alors qu’il est d’habitude si subtil dans la gestion des quatre instruments, on frôle la surcharge au premier mouvement. Rien de plus pénible que ce crescendo de couches dissonantes qui culmine dans les aigus. Le dernier mouvement, long et décousu, déséquilibre complètement l’œuvre et n’a pas grand-chose d’un « Allegretto », au final.

Le Quatuor à cordes n°4 est sans doute le plus fade de la série. Il n’a ni la fraîcheur des premiers essais, ni l’ampleur des quatuors centraux, ni la puissance émotive des dernières pièces. Le contraste avec le Quatuor n°5, le premier grand quatuor, est particulièrement cruel.


Fiche « Quatuor à cordes n°4 » :
Opus : 83
Date de composition : 1949
Date de création : 1953 à Moscou
Date d’enregistrement : 1982 par le Quatuor Borodine
Références du disque : Intégrale des quatuors à cordes par le Quatuor Borodine, Disque 1, Melodiya, 2006.