Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Un peu comme au foot quand les assauts de votre équipe préférée se brisent contre les parades extraterrestres du gardien de but adverse. Eh bien le Second Concerto pour violon, c’est un peu la même chose. Quand il entame la composition de son dernier concerto en 1967, CHOSTAKOVITCH est encore très affaibli par la maladie. Il se remet à peine de sa première crise cardiaque et ses problèmes musculaires s’aggravent. Mais porté par son inspiration retrouvée en écrivant les Sept Romances sur des poèmes d’Alexandre Blok, il décide de composer un concerto pour les soixante ans de David OÏSTRAKH, son violoniste fétiche. Las, CHOSTAKOVITCH s’est trompé d’un an dans sa dédicace : OÏSTRAKH fête en réalité ses cinquante-neuf ans. Il y a des signes comme ça…

Toujours est-il qu’OÏSTRAKH accepte l’œuvre de bon gré et la joue même à l’étranger. Malheureusement, 1967, c’est aussi la commémoration des cinquante ans de la Révolution ; chaque artiste est censé apporté sa pierre à l’édifice. Avec son concerto classique et son cycle vocal adapté d’un poète pas vraiment aimé par le régime, CHOSTAKOVITCH va une fois de plus passer à la trappe. Sauf, bien évidemment, son poème symphonique Octobre, une nullité qui aura les faveurs des cadres du Parti pour accompagner les « réjouissances ».

Contrairement à son Premier Concerto, lui aussi escamoté pour des raisons politiques, le Second ne fait pas partie des grandes créations de CHOSTAKOVITCH. C’est une œuvre où le compositeur soviétique est complètement méconnaissable. Pas d’humour, pas de détresse, pas de notes indisciplinées, même pas un petit soupçon de teinte macabre : le Second Concerto est le fruit d’une écriture très sage, comme en témoignent ses trois mouvements équilibrés. Les dissonances se sont fait la malle, le folklore a passé la frontière et la folie a été remisée au grenier.

L’œuvre, dans l’ensemble, n’est pourtant pas désagréable. A part quelques percussions intempestives, le concerto est exempt de faute de goût. On parvient même à repérer quelques bons moments au sein des deux premiers mouvements, tout en ayant l’impression d’avoir déjà entendu mieux ailleurs. En réalité, le Second Concerto joue constamment dans l’ombre de son aîné, qui possède la fougue et la profondeur de sentiment dont l’autre est dénué.

Avec OÏSTRAKH à l’interprétation, les choses s’arrangent un peu. L’« Adagio » acquiert une aura sinistre qui rappelle certaines compositions des années de guerre. Cela dit, les interventions de l’orchestre d’URSS sont loin d’être renversantes, alors que sa partition est assez sommaire (peut-être trop sommaire, justement).

Une œuvre tristement moyenne, donc. CHOSTAKOVITCH n’y dévoile presque aucun trait original, et à part un intérêt poli, je ne vois pas ce qu’un tel concerto peut susciter. Mais il n’y a pas non plus grand-chose à lui reprocher, ce n’est même pas un échec retentissant comme certaines œuvres de propagande. C’est juste que quand ça ne veut pas, ça ne veut pas…

Fiche « Concerto pour violon n°2 » :
Opus : 129
Date de composition : 1967
Date de création : 1967 à Moscou
Date du concert : 1968 à Londres par David Oïstrakh, Evgueni Svetlanov et l’Orchestre d’Etat d’URSS.
Références du disque : Oistrakh – Shostakovitch, Violon Concerto 1 &2 ; Ysaÿe, Amitié, BBC Legends, 2001.