Dans la nébuleuse discographique dédiée à CHOSTAKOVITCH, n’espérez pas rencontrer trop souvent ses cycles vocaux. Hormis quelques initiatives personnelles (VICHNEVSKAÏA, NESTERENKO…), le répertoire lyrique du compositeur soviétique se restreint inévitablement aux deux opéras et aux cantates. Grave erreur ! Oublier de grands cycles comme ceux de Michel-Ange et d’Alexandre Blok, c’est passer à côté d’un des aspects les plus intéressants de la musique de CHOSTAKOVITCH. Et même de la part des cycles « mineurs », il y a de l’inspiration à revendre, si l’on excepte tout ce qui a été composé sur des poèmes de Dolmatovski.

Le premier de ces petits cycles, Six Romances sur textes de poèmes japonais, est composé entre 1928 et 1931 à l’attention de la future épouse du compositeur, Nina Varzar. On ne sait pas trop ce qui a poussé CHOSTAKOVITCH à s’intéresser à la poésie nippone, dans laquelle il va trouver une simplicité formelle et des sentiments qui correspondent tout à fait à son état d’esprit d’alors. Je soupçonne un conseil littéraire de l’éternel ami Ivan Sollertinski, toujours bien inspiré dans ses découvertes.

Le ton de certains poèmes a de quoi étonner pour ceux qui connaissent le CHOSTAKOVITCH d’après 1936, son ironie mordante et son obsession pour la mort. Au début 1931 le jeune compositeur est tout entier à l’amour, avec quelques pointes d’érotisme qui rappelleront Lady Macbeth au souvenir des connaisseurs.

Contrairement aux Deux Fables de Krylov (1922), l’accompagnement des Six Romances se résume au seul piano. A contre-courant de son orientation moderne récente, CHOSTAKOVITCH adopte un langage simple et mélodieux dont les traits épurés se marient admirablement avec la voix du soprano.

Les poèmes « L’amour » et « La Première et la dernière fois » sont les moments forts de ce cycle. Le premier se distingue par une partie chantée vraiment magnifique, tandis que le second comporte un morceau ambitieux au piano. Hormis ces deux pièces, le ton dramatique adopté par la chanteuse est parfois un peu « trop ». Certes, l’emphase est souvent le compagnon obligé du chant lyrique, mais dans le cas présent, l’hyperbole éclate à force d’enfler. C’est le cas par exemple en introduction du poème « La Mort » quand Victoria EVTODIEVA geint « ia oumiiiiiraaaaaaaïouuuuuu » (« je meurs » !) sur un ton pathétique.

Première essai de CHOSTAKOVITCH dans le domaine des œuvres pour chant et piano, les Six Romances offrent un intérêt assez limité. On écoutera surtout « L’amour » et « La Première et la dernière fois », deux pièces vraiment originales, le reste valant avant tout pour son intérêt historique.

Fiche « Six Romances sur des textes de poètes japonais » :
Opus : 21
Date de composition : 1928-1931
Date de création : ?
Date d’enregistrement : 2001 par Victoria Evtodieva et Youri Serov
Références du disque : Shostakovich – Complet Songs Volume Three, Early Works (1922-1942), Delos, 2003.