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Dimitri CHOSTAKOVITCH - Symphonie N°15 (kondrachine) (1971)
Par SASKATCHEWAN le 22 Mars 2011          Consultée 6302 fois

La vie est une chienne. Regardez CHOSTAKOVITCH. On aurait pu croire qu’après deux révolutions, une guerre civile, des famines, des purges et deux guerres mondiales, le sort allait enfin le laisser tranquille. Mais non, s’acharner, c’est drôle, surtout quand on s’appelle Fortune. A la fin des années cinquante, le destin réserve un dernier coup pendable personnalisé au pauvre compositeur : une infection de la moelle épinière ! Ses mains se paralysent peu à peu (embêtant pour un pianiste), ses os se fragilisent (fracture de la jambe, youpi !), sa vue déjà médiocre décline encore (pratique pour composer), et cerise sur le gâteau, CHOSTAKOVITCH fait son premier infarctus en 1966. Ce qui n’empêche pas cette vielle bernique (c’est affectueux) de continuer à composer avec la rage du désespoir, fidèle au motto exprimé au milieu des années 30 : « Et s’ils me coupent les deux mains, je tiendrai ma plume entre mes dents et je continuerai d’écrire de la musique ».*¹ Qu’est-ce qu’une poliomyélite à côté du NKVD ? Rien du tout.

L’écriture de la Symphonie n°15 se place dans ce contexte d’affaiblissement général du compositeur. Au début des années soixante-dix, celui-ci profite d’un séjour en rééducation pour composer sa dernière symphonie. Au regard des « grandes » symphonies chostakoviennes (le 5, le 8, le 10, et le numéro complémentaire : le 4), la quinzième est une œuvre assez courte et mesurée. On pense à la Première Symphonie pour la tenue d’ensemble, à la Sixième pour les élans mélancoliques, et à la Neuvième pour les motifs humoristiques. Le compositeur abandonne à la fois les élans propagandistes et le chant lyrique, pour un retour à une forme plus « traditionnelle ».

L’enchaînement des mouvements est assez déroutant. Un morceau lent et introspectif succède à chaque fois à une pièce courte et vive. Les deux « Adagios » sont empreints de tristesse, mais d’une tristesse toute intérieure, loin des cris de détresse des œuvres des années trente et quarante. Les cordes s’y taillent la part du lion ; l’influence des quatuors est indéniable. Changement de décor complet sur les deux « Allegrettos ». La farce règne en maître, comme au temps des ballets. CHOSTAKOVITCH puise sans vergogne dans le folklore le plus cliché pour donner de la saveur à ses petites parenthèses burlesques, témoin la sonnerie de cavalerie qui apparaît à plusieurs reprises au cours du premier mouvement.

Fait rare chez CHOSTAKOVITCH, les explosions grandioses sont peu nombreuses. L’accent est mis sur l’humour, et la langueur des deux « Adagios » n’est relevée que d’un sursaut orchestral à chaque mouvement. L’introduction et la conclusion de l’œuvre marquent encore plus ce refus de la démesure. La symphonie s’ouvre sur un motif champêtre au triangle et à la flûte qui se fond par la suite dans une méditation triste. La coda est complètement étouffée, comme pour figurer la lente et pénible extinction d’un malade.

Bien sûr, la Symphonie n°15 n’est pas la réalisation la plus marquante du compositeur soviétique. Véritable clown triste de l’œuvre de CHOSTAKOVITCH, cette petite symphonie n’est pourtant pas à négliger. Les pirouettes burlesques parfois exagérées des « Allegrettos » ne parviennent pas à masquer la résignation triste de l’artiste qui sourd des mouvements plus longs (trop longs ?). Reste que d’autres œuvres de la même période – la symphonie précédente, les derniers quatuors – expriment avec bien plus de force l’aspect inéluctable de la mort, qui a tant obsédé CHOSTAKOVITCH à partir des années 1930.

L’interprétation de KONDRACHINE est une fois de plus intouchable. A noter que le disque*² propose également un enregistrement particulièrement intéressant du second concerto pour violon lors de sa création en 1967. David OÏSTRAKH au violon, Kyrill KONDRACHINE à la baguette, que rêver de mieux ?


*¹ Citation tirée de l’excellente biographie de CHOSTAKOVITCH écrite par Krzysztof Meyer (page 215), publiée chez Fayard (traduction d’Odile Demange). C’est bien écrit, émouvant, et surtout très instructif. A lire.
*² Le disque en question se trouve également dans l’intégrale des symphonies de CHOSTAKOVITCH enregistrée par KONDRACHINE avec l’orchestre de Moscou et éditée par Mélodiya en 2006. Cette intégrale, ainsi que celle des Quatuors à cordes réalisée par le Quatuor Borodine, sont de véritables pépites qui raviront tous les amateurs du compositeur à lunettes.


Fiche "Symphonie n°15" :
Opus : 141
Date de composition : 1971
Date de création : 1972 à Moscou
Date d'enregistrement : 1974 par Kyrill Kondrachine et l'Orchestre Philharmonique de Moscou
Références du disque : Intégrale des symphonies par Kyrill Kondrachine, Disque 11, Symphonie n°15 & Concerto pour violon n°2, Mélodiya, 2006.

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- Dimitri Chostakovitch (compositeur)
- Kyrill Kondrachine (chef d'orchestre)
- David Oïstrakh (violon)
- Orchestre Philharmonique De Moscou


- symphonie N°15
1. Allegretto
2. Adagio
3. Allegretto
4. Adagio. Allegretto
- Concerto Pour Violon N°2
5. Moderato
6. Adagio
7. Adagio. Allegro



             



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