Au cours des années vingt, la renommée de CHOSTAKOVITCH grandit peu à peu, jusqu’à atteindre les cercles de pouvoir. La première commande que lui adresse l’Etat soviétique est assez modeste : pour le dixième anniversaire de la Révolution d’octobre, on lui réclame une courte symphonie. Le jeune compositeur s’exécute, par ambition d’abord, mais aussi parce qu’en 1927, l’art soviétique connaît encore une relative liberté. Du moment que le « message » exalte la révolution, toutes les audaces artistiques sont permises. Ce qui donne parfois de curieux mélanges, comme cette Symphonie n°2 À Octobre.

Après une Première Symphonie entre classicisme et modernisme, CHOSTAKOVITCH se tourne résolument vers les expérimentations de son temps. Il refuse la tonalité, rechigne aux reprises de thèmes et affecte les dissonances les plus audacieuses. Le cadre même des quatre mouvements est brisé : la Symphonie n°2 est un développement d’une dizaine de minutes qui tend vers un finale choral.

La première partie du développement instrumental est un long crescendo qui s’achève sur un coup de grosse caisse. Au départ, l’orchestre ne produit qu’une rumeur sourde, qui enfle peu à peu au fur et à mesure que les vents et les cordes donnent de la voix. L’effet est imposant, mais un peu artificiel. Contrairement à PROKOFIEV sur sa Deuxième Symphonie, CHOSTAKOVITCH tâtonne encore dans le domaine du modernisme. Le cahier des charges imposé au compositeur par l’Etat n’arrange rien. A côté de ses expérimentations, forcément limitées, le compositeur doit se livrer à un langage de circonstance.

Voilà pourquoi, peu après les excès du crescendo, on trouve une sorte de danse martiale soutenue par les percussions. L’orchestre se fait tonitruant, pour préparer grossièrement l’arrivée du finale chanté. Un chœur mixte entame un poème de Bezoumenski, « poète » des komsomols. Si l’instrumentation abandonne toute finesse, avec cordes majestueuses et pétarades cuivrées, la part des choristes est plus intéressante, entre déclamation et chant révolutionnaire. Rien de bien transcendant, au fond.

La Symphonie n°2, œuvre de propagande qui dit clairement son nom, est d’un intérêt plus que limité. Pour ceux qui s’intéressent un peu à l’histoire des arts en URSS, c’est un exemple intéressant de la première période de l’art soviétique, quand les outrances du modernisme cohabitaient avec l’exaltation de la Révolution. Avant Staline, donc. Pour les autres, apprenez à éviter tout ce qui chez CHOSTAKOVITCH est dédié à Octobre ou à Lénine, c’est une technique presque infaillible.


Fiche « Symphonie n°2 »
Opus : 14
Date de composition : 1927
Date de création : 1927 à Leningrad
Date d’enregistrement : 1972 par Kyrill Kondrachine et l’Orchestre philharmonique de Moscou
Références du disque : Intégrale des symphonies par Kyrill Kondrachine, Disque 1, Symphonies n°1, 2 & 3, Melodiya, 2006.