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MUSIQUE MODERNE  |  OEUVRE

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Dimitri CHOSTAKOVITCH - Symphonie N°10 (karajan) (1953)
Par SASKATCHEWAN le 8 Août 2010          Consultée 6352 fois

Ce n’est sans doute pas dû à un hasard, si, après une longue pause de huit ans, CHOSTAKOVITCH renoue avec l’écriture symphonique quelques mois seulement après la mort de Staline. Exit également Jdanov, éternelle épine dans le pied de tous les intellectuels d’URSS, décédé en 1948, sans doute des suites d’un delirium tremens. La mort de ces deux tristes figures ne va pourtant pas mettre fin immédiatement aux ennuis des artistes soviétiques. L’œil inquisiteur des institutions staliniennes scrute la société pour de longues années encore.

On se souvient que huit ans plus tôt, CHOSTAKOVITCH, plutôt que de livrer l’œuvre en forme d’apothéose que le régime réclamait, avait accouché d’une véritable symphonie-farce, court récital d’une demi-heure placé sous le patronage de Guignol et Gnafron. Cette insolence de plus était aussi un moyen pour le compositeur de se dérober à la « malédiction de la Neuvième », qui avait tant tourmenté son grand modèle Gustav MAHLER. Ce n’était que partie remise… En 1953, le dernier soupir du plus exaspérant des tortionnaires donne matière à LA symphonie de CHOSTAKOVITCH, celle qui l’installe définitivement au Panthéon des Grands avec un G majuscule, comme dans WolfGanG, LudwiG et Gustav…

La tourmente n’est pourtant pas si loin. Le premier mouvement fait écho à la détresse radicale de la Quatrième et de la Huitième. Mais quelque chose a changé. CHOSTAKOVITCH se donne enfin le droit d’espérer : le hautbois, le basson, la flûte ne sont plus étouffés par les éclats des cordes ou des cuivres ; les longs développements du « Moderato » expriment la tristesse certes, sans toutefois renouer avec les « champs de ruines musicaux » des symphonies précédentes.

Véritable symphonie-manifeste, la Dixième tord le cou à bien des clichés sur la musique moderne. CHOSTAKOVITCH, plus qu’ailleurs, y développe des thèmes dansants et démontre une fois de plus leur richesse d’expression potentielle : célébration pompeuse et grimaçante du premier « Allegro », à laquelle répond l’allégresse frénétique de la coda du second. Un mot, justement, de ce dernier mouvement. La première partie, l’« Andante » est le dernier retour introspectif de CHOSTAKOVITCH, qui se démarque de ceux du « Moderato » et de l’« Allegretto » par une atmosphère sourde d’attente ; on sent le dénouement proche. Et quel dénouement ! L’orchestre éructe, balbutie, s’y reprend à deux fois avant de trouver le ton juste pour la conclusion. Etrange apothéose où la flûte mène le bal, où les assauts grandiloquents des cuivres et des cordes ne peuvent rien contre le petit instrument opiniâtre. La tension de l’œuvre se cristallise autour d’un dernier défi entre un orchestre énorme et une minuscule escouade de bois revanchards, qui finit par dicter sa joie à toute la formation berlinoise.

Bien entendu, KARAJAN et sa philharmonie excellent à ce parcours de montagnes russes musicales ; le grandiose échevelé du dernier mouvement permet à l’orchestre de donner la mesure de son coffre, servi par une prise de son renversante. Le chef autrichien est moins convaincant sur l’« Allegretto » et sur le premier « Allegro », où son interprétation très propre ferait presque oublier l’ironie inhérente à l’œuvre de CHOSTAKOVITCH. Le contraste avec MRAVINSKI, dans ce domaine, est flagrant, mais on préférera quand même l’interprétation de KARAJAN, qui contrairement à son homologue russe sur l’enregistrement de 1976, n’a pas été saboté par ses ingénieurs du son.

Plus encore que la Cinquième, la Dixième marque l’apogée de la maîtrise symphonique du compositeur. CHOSTAKOVITCH y signe l’une des œuvres les plus belles du XXe siècle, et inaugure la dernière partie de sa carrière, où la musique de chambre prendra progressivement le pas sur le genre symphonique.


Fiche "Symphonie n°10" :
Opus : 93
Date de composition : 1953
Date de création : 1953 à Leningrad
Date de l'enregistrement : 1982, par Herbert von Karajan et l'Orchestre philharmonique de Berlin
Références du disque : Schostakowitsch - Symphonie No. 10, Deutsche Grammophon, 1982

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   SASKATCHEWAN

 
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- Dimitri Chostakovitch (compositeur)
- Herbert Von Karajan (chef d'orchestre)
- Orchestre Philharmonique De Berlin


1. Moderato
2. Allegro
3. Allegretto
4. Andante - Allegro



             



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