Après avoir frôlé la catastrophe à cause des cordes vocales de Klaus Meine, SCORPIONS accouche en 1982 de son album de référence, celui que la plupart des fans citeraient sans sourciller comme leur plus abouti. Il faut dire que nous avons affaire à du lourd, toujours sous la houlette de Dieter Dierks. Tout commence avec cette improbable pochette qui met (provisoirement) un terme aux inspirations crypto-érotiques des précédentes, pour nous annoncer la couleur : la folie nous attend (je vous conseille d’ailleurs la version « live » par Rudolf lors des concerts de ces dernières années, c’est énorme !).

Et d’entrée la barre est placée très haut avec le riff de "Blackout" qui déboule et emporte tout sur son passage. Ce titre est une tuerie, couplets comme refrain sont au top, Rudolf nous offre une séance de Flying V, la section rythmique est super dynamique et Matthias Jabs arrose le titre de superbes interventions sans parler du solo plus que décoiffant. Cette réussite initiale en appelle trois autres tout aussi majeures. "Dynamite" qui ouvre la face 2 est le parfait pendant de "Blackout" : un riff inoubliable pour une bonne speederie bien heavy. Excellente idée que ce chant quasi a capella sur les couplets, cela met en avant la superbe voix de Klaus, et donne encore plus de force au refrain. En plus, Mathias nous sort son solo ultime sur ce titre. Au rang des morceaux qui tuent, "When the Smoke is Going down » est probablement ma ballade préférée des Teutons ; même si elle ne connut pas le succès de ses illustres suivantes, elle prend vraiment aux tripes et le texte comme le petit solo de Rudolf sont parfaits. Dernier grand morceau du disque "China White", d’une lourdeur qui rappelle "Animal magnetism" sur l’album précédent. J’adore cette facette plus progressive et réfléchie du groupe, et ce titre est parfaitement réussi dans toutes ses dimensions. Un peu en dessous, mais bien heavy également, "Now" évoque irrésistiblement "Another Piece of Meat" ou encore "Can’t Get Enough" au rayon des titres les plus venimeux du combo.
Reste l’aspect qui me dérange le plus : si les titres précités sont tous extraordinaires, il y a quand même dans cet album un sacré ventre mou de morceaux nettement plus dispensables. Si "Can’t Live Without You" peut séduire par son intro et son texte, le refrain est vite horripilant. "No One Like You" est un bon titre mais un peu mièvre, même remarque pour "You Give Me All I Need" : bonne intro mais couplets et refrains corrects sans plus. Quant à "Arizona", c’est pour moi un faux pas avec ses relents FM et son texte lourdingue, surtout sur un album où il côtoie de tels brûlots.

Difficile de trancher et donc de trouver la bonne note pour un album qui navigue de l’exceptionnel à l’ordinaire, et qui préfigure une forme de compromis qui sera encore beaucoup plus marquée dans les albums suivants. Je penche finalement pour le 4, mais ne vous privez surtout pas de réécouter encore et toujours les quatre fantastiques compositions décrites plus hauts, peu ont égalé SCORPIONS dans ce registre.