Rappelez-vous l’automne 1975. Serait-ce si loin ? Tandis qu’en Islande une grève générale voit les femmes défiler pour obtenir l’égalité des droits, alors qu’à Manille Joe Frazier et Mohamed Ali s'affrontent pour la troisième fois dans un combat surnommé 'Thrilla in Manilla', les SCORPIONS traversent enfin la Manche, trois ans après leurs débuts discographiques, et frappent à la porte du Royaume-Uni pour une série de 22 concerts dans de petits clubs des grandes villes britanniques. Le 31 octobre, au Cavern Club de Liverpool, le groupe germanique réalise enfin son rêve de fouler les planches de cette salle qui a vu débuter les BEATLES. Son troisième album In Trance sous le bras, le groupe séduit public, médias et maisons de disques, ouvrant ici la porte d’une belle histoire entre les arachnides et le royaume insulaire. 161 concerts plus tard, tous donnés sous le règne d’Elisabeth II, les SCORPIONS décident de revenir à leurs timides débuts en Angleterre à travers le morceau "Hammersmith", titre inédit présenté ici en single et inclus dans les rééditions vinyle de l’album Rock Believer réservées au marché britannique, comme avait pu l’être quelques mois plus tôt le morceau "The Language of My Heart" pour le marché français.

Dans un contexte hautement commercial, où la présence d’un titre inédit se veut une bonne raison d’inciter les 'fans' à mettre la main à la poche une nouvelle fois, "Hammersmith" a ceci de remarquable qu’il est le premier morceau du répertoire des SCORPIONS composé (en partie, mais tout de même) par le batteur Mikkey Dee, 6 ans après son intégration dans le groupe. A la composition, nous retrouvons également et naturellement Rudolf Schenker, bûcheron efficace sur ce titre, ainsi que Magnus Axx (SWEDISH EROTICA), qui collabore pour la première fois avec les SCORPIONS, certainement sur les bons conseils de Mikkey Dee (le bonhomme a co-écrit le morceau de MOTÖRHEAD "Civil War" sur l’album Overnight Sensation] (1996).

Un roulement de tambours, et voici que débarque dans nos oreilles surprises ce qui est certainement le morceau le plus direct et agressif proposé par les SCORPIONS depuis pas loin de 20 ans. La batterie et sa double grosse-caisse construisent ici un cadre dans lequel se déploie un riff rapide et véritablement violent. Pas d’artifices ou d’entourloupe, les guitares nous servent ici du SCORPIONS pur-jus, les références étant à chercher du côté des années 70, l’ambiance générale pouvant rappeler un morceau tel que "Steamrock Fever". Alors que, le couplet arrivant, le tempo ralentit, la voix de Klaus Meine, intense et survoltée, parfois plus criée que chantée, comme à l'époque, apporte un soupçon de folie supplémentaire. Le refrain, minimaliste, injecte une nouvelle dose d’agressivité, devenant quasiment metal. Les SCORPIONS bastonnent à tout va, mais restent malgré tout très largement dans leur zone de confort. En effet, mis à part le travail de la batterie, ici résolument remarquable, et le chant surpuissant de Klaus Meine, la recherche mélodique est inexistante, de même que l’on déplore la pauvreté du solo de Matthias Jabs qui, intervenant en toute fin, n’est décidément pas à la hauteur des promesses de la première moitié du morceau.

Un espoir déçu, à prendre comme une carte blanche laissée par les SCORPIONS à leur sympathique batteur. Les paroles de Klaus Meine renforcent ce côté cour de récréation et madeleine de Proust, décrivant les premières épopées des SCORPIONS dans les clubs du Royaume-Uni, évoquant certains lieux emblématiques, certaines personnalités cultes de l’époque, notamment Lemmy Kilmister que les SCORPIONS ont côtoyé à de nombreuses reprises durant cette époque. Comme un écho de la deuxième moitié des années 70, "Hammersmith" peine à se hisser au niveau de ses prétentions. Si la rage et l’énergie du groupe parviennent ici à poindre, c’est au détriment des mélodies et des soli pour leur part aux abonnés absents. Pas de quoi considérer ce morceau que comme un clin d’œil sympathique mais sans grand intérêt à une époque fondatrice pour le groupe.

2,5/5