Le deuxième chapitre des Mothers restera relativement pauvre musicalement. Sa vocation ne sera pas de produire une musique ambitieuse ni de défricher de nouvelles voies, mais de mettre en place un délire scénique, très théâtral, où humour gras et moqueries appuyées règneront sans partage.
Cette satire un peu lourde et pas toujours du meilleur goût ne sera plus contrebalancée par la richesse et l’invention de la musique, laquelle est reléguée au second plan, servant le plus souvent de toile de fond. Les shows se déroulent sous forme de dialogues écrits et improvisés. Frank Zappa se tient en retrait, en arbitre voire en simple observateur, laissant à Eddie & Flo le soin (soin, si l’on peut dire) d’animer les festivités.
Les deux showmen possèdent des capacités vocales et une prestance scénique époustouflante, il faut en convenir, mais ils exaspéreront bien des fans et leurs prouesses ne feront pas toujours l’unanimité ; leur propension à placer des « la la la » et des « nia nia nia » un peu partout n’y sera pas étrangère. Zappa lui-même, quand on l’invitera plus tard à évoquer ces deux compagnons de route, ne pourra s’empêcher de lever les yeux au ciel et de dire : « oh non, pas eux ! »… terrible hypocrisie puisqu’il tirait toutes les ficelles.

Ce « Fillmore East - june 1971 » témoigne au mieux de cette atrophie musicale. Si l’on excepte les interprétations honnêtes de « Little House I used to live in » et « Peaches en regalia » ainsi que la version condensée de « Willy the pimp », principaux attraits du disque, le concert déroule un rock de facture assez classique et sans surprise. Paradoxalement, ce sont les séquences les moins musicales qui se montrent les plus attrayantes. Le mot d’ordre étant de tout ramener à la culotte et à son contenu, vous êtes prévenus. Le crescendo « Do you like my new car ? » est d’une rare finesse ; une charmante bluette qui évolue lentement jusqu’à des considérations sur les mensurations du pénis… (« …and he’s gotta have a dick that’s a monster ! »), ou encore « Latex solar beef » qui exploite le thème très porteur des hémorroïdes…amis de la poésie, bonsoir.
Un commentateur inspiré dont je tairai le nom, reconnaissait à ce disque une qualité indéniable : contenir l’unique tube des Turtles « Happy together », nous dispensant ainsi d’acquérir leur album.
Si des prestations en public parviendront à atteindre des sommets humoristiques et musicaux (« Roxy & Elsewhere », « In New York », « The best band you never heard in your life »), « Fillmore East » lui, reste définitivement cloué au plancher et focalisé sous la ceinture.
Assister aux prestations des Mothers en 1971 relevait du spectacle total. N’en récupérer que la trace sonore, et qui plus est tronquée, relève de l’anecdote. Un bootleg officiel. Pour les accros uniquement.