Ce 3ème album de l'année 1992 marque la poursuite du travail entamé par ZAPPA pour exploiter ses archives. On l'a déjà dit, il ne s'agit pas forcément de proposer des inédits ou des raretés, mais de construire des artefacts sonores d'un genre nouveau.

L'album est entièrement consacré à la deuxième mouture des MOTHERS, celle avec Howard KAYLAN et Mark VOLMAN. Il est difficile de comprendre pourquoi ZAPPA revient sur ce groupe en particulier. Les quelques titres qui émaillaient la série YCDTOSA étaient anecdotiques, mais pouvaient passer, noyés dans toutes les autres époques. Mais il faut s'armer de courage pour affronter deux heures non stop avec cette formation qui reste la moins bonne de toutes celles qu'a formées ZAPPA. La moins bonne, c'est un euphémisme. Il s'agit plutôt de la seule formation de ZAPPA qui ait été mauvaise, tout simplement, à une époque où ZAPPA était fort peu inspiré.

La particularité du disque se veut toutefois ailleurs que dans les extraits de concerts. Il contient en effet de nombreux enregistrements des musiciens en dehors de la scène. A l'hôtel, dans le bus, etc. ZAPPA poursuit ainsi sa démystification du Rock. Ce qu'il nous donne à entendre, ce sont des dialogues parfois drôlatiques, mais surtout révélateurs d'une grande vacuité. Peut-on se balancer de la bière à la figure sur scène ? Comment faire pour devenir une vraie rock star et quitter ce groupe de freaks ? Y aura t-il des groupies ? Voilà les sujets de conversation qui dominent l'ensemble. La vacuité des propos semble être inspirée par l'ennui avant tout, et nous le partageons, cet ennui. ZAPPA utilisera d'ailleurs ce matériau, bien réel, le transcrira, puis l'utilisera dans « 200 Motels », le film pas très réussi qu'il commettra avec ce groupe, et dont l'unique intérêt reste de voir Ringo STARR grimé en ZAPPA. Mise en abyme ? Oui, mais pas très réussie.

Côté musique, que dire ? Tout d'abord qu'il y en a fort peu. Même s'il est plaisant d'entendre « Concentration Moon », ou la première version de « Wonderful Wino », il faut dire et redire que la présence de VOLMAN et KAYLAN, dont l'interprétation est systématiquement hystérique, est épuisante.

Il faut également mentionner les deux morceaux les plus consistants de l'album. Tout d'abord, un bœuf assez fameux en compagnie de John LENNON et Yoko ONO. Ce bœuf de 1971, LENNON et ONO en ont proposé leur propre version dans Some Time In New York City, et ce dès 1972. ZAPPA et LENNON s'étaient en effet mis d'accord, à la fin du concert, pour utiliser les bandes comme chacun l'entendrait. LENNON, pas entièrement honnête, avait supprimé les voix de KAYLAN et VOLMAN (on ne peut pas complètement lui en vouloir), et ZAPPA n'était pas mentionné comme l'auteur de « King Kong », renommé « Jamrag ». Il aura attendu 20 ans pour « corriger » la version de LENNON*, et se foutre par ailleurs ouvertement de la gueule de Yoko ONO, dont les bêlements et vagissements sont tout simplement insupportables de ridicule. Cela ravira tous ceux qui aiment à pratiquer le Yoko-bashing puisque, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'en sort pas grandie.

L'autre plat de résistance, c'est une nouvelle version de « Billy The Mountain », de plus de 30 minutes. Mais là encore, l'hystérie des chanteurs rend le tout fastidieux et éreintant ! Ces deux-là ne chantent pas, ils hurlent tout le temps ! On présente souvent « Billy The Mountain » comme une sorte de brouillon de « The Adventures Of Greggery Peccary ». La version entendue ici démontre qu'à l'évidence rien n'est plus faux. Si « Greggery » est un bijou d'inventivité et de surprises en tous genres, « Billy » est lourd et répétitif.

Alors ? Eh bien, si « Playground Psychotics » a le petit intérêt de poursuivre la démystification/démythification du rock qu'a toujours documenté ZAPPA, le choix de cette année 1971 laisse perplexe. Quoique composé en partie de très bons musiciens (Ian UNDERWOOD, Don PRESTON, Aynsley DUNBAR), cette formation est handicapée par le manque d'inspiration évident de ZAPPA (qui partira ensuite sur le chemin de Waka/Jawaka et The Grand Wazoo, pour notre immense bonheur), et par ce duo vocal catastrophique. Il paraît que les deux affreux ont approché ZAPPA dans les années 80, prêts à repartir en tournée avec lui. Dieu merci, cela ne s'est pas fait.

*Le fait que ni John LENNON ni Yoko ONO ne soient nommés parmi les musiciens de l'album sent le plat qui se mange froid.