Voici l’album grâce auquel (à cause duquel ?) SCORPIONS a cessé d’appartenir à une horde de chevelus metalleux pour entrer dans tous les foyers et devenir 'mainstream'. C’est probablement pour cette raison que je lui en ai toujours un peu voulu (comme au "Black album" de METALLICA).

Dès la pochette hyper-classe signée Helmut Newton, on sent bien que quelque chose a changé : fini, l’humour potache et les allusions érotiques plus ou moins lourdes, on entre dans une nouvelle dimension où les dollars vont pleuvoir. L’album a pourtant été réalisé dans la douleur, le groupe ayant même un temps envisagé de se passer de Hermann Rarebell et de Francis Buchholz pour l’enregistrer, et s’étant sérieusement fait remuer par leur producteur Dieter Dierks ; mais il était écrit que l’heure des teutons avait sonné.
Dès la première écoute, mes potes et moi avions bien senti que quelque chose se passait. "Bad Boys Running Wild" sentait le savon et la production proprette pour un résultat sympa mais pas transcendant. Mais dès "Rock You Like a Hurricane", le son du jackpot a commencé à faire entendre son tintement ; ce titre irrésistible était forcément voué à un succès planétaire : Klaus est au top, envoyant des couplets et un refrain imparables, et Matthias nous pond de surcroit un solo fantastique. Et que dire de "Big City Nights" qui enfonçait le clou dans le même registre au début de la face 2 ? Impossible de ne pas s’incliner devant le savoir-faire : gros riff de Rudolf, rythme entraînant, couplets parfaitement troussés et refrain qui emporte tout ! Le coup de grâce était évidemment donné par "Still Loving You", aimable et fantastique ballade un temps mise de côté par le groupe et qui allait définitivement les installer sur l’olympe des charts adulés par une foule inculte.
Le reste de l’album est presque aussi réussi, "I‘m Leaving You" fait bien le job dans un registre plus Hard-Rock, de même que "As Soon As the Good Time Roll" alors que "Crossfire" au rythme martial et au texte plus sérieux est un bon titre. Reste "Coming Home", la pièce la plus heavy de l’album, superbe réminiscence du SCORPIONS de la première époque, morceau préféré de beaucoup de fans d’origine (dont moi) et belle tuerie sur scène. Le titre le plus faible est "The Same Thrill" qui lorgne vers "Another Piece of Meat", mais souffre d’un refrain moyen et trop répétitif.

Finalement, le temps passe et panse les plaies, et force est de reconnaître le coup de maître des arachnides avec cet album parfaitement troussé et qui atteint totalement sa cible. Tant pis pour les fans de la première heure qui attendaient leur ration de rythmiques de plomb et de speederies ultimes ! Ils n’ont qu’à se pencher sur l’abondante discographie antérieure qui leur offre amplement de quoi se sustenter. Pour mes potes et moi, le constat était sans appel : SCORPIONS ne serait plus jamais notre propriété exclusive !