Il ne faut jamais s'attendre à rien de précis en musique, et surtout pas avec King Crimson, leur première vie l'a bien prouvé. Comment s'étonner alors d'un retour du groupe proposant cette fois un art rock ressemblant à du Talking Heads en plus musclé et virtuose ? Moi en tout cas, ça ne m'a jamais posé le moindre problème, l'avantage de découvrir tout ça des décennies après leur sortie je suppose.

En fait, il est important de préciser - la chro principale le fait déjà - que Discipline devait au départ être le nom du nouveau groupe et qu'il s'est finalement appelé King Crimson pour de simples raisons commerciales. Alors là, oui, on pourrait dire qu'on trompe les gens sur la marchandise. Mais ce n'est pas grave quand c'est pour tomber sur un joyau pareil. D'autre part, il serait inexact de trop parler de rupture, la patte musicale de Fripp est quand même évidente, notamment sur « Indiscipline ». De plus, mine de rien, deux tiers du groupe de Red se retrouvent ici, en l’occurrence Robert Fripp et Bill Bruford, deux des plus grands maîtres de leurs instruments. S'y ajoutent Adrian Belew, autre guitariste virtuose et chanteur un peu déjanté ainsi que Tony Levin, un des meilleurs bassistes de session.

Tout dans Discipline est d'une rythmique parfaite et les effets obtenus avec les instruments sont incroyables. Je donne une mention spéciale au barrissement de la guitare de Belew. Entre la folie d' « Elephant Talk », « Frame by Frame » et « Thela Hun Ginjeet », la délicatesse désarmante de la ballade « Matte Kadusai », l'ambiance éthérée de « The Sheltering Sky » et l'hypnotisme des morceaux « Indiscipline » et « Discipline », il n'y a aucune place pour le remplissage. Qu'il soit éclipsé par la nostalgie progressive des débuts n'y change rien : Discipline est un vrai chef d’œuvre, seulement dépassé par Red à mes yeux.