En 2015, toujours dans un souci d'ordre chronologique (hahaha), voilà que sort le coffret de KING CRIMSON consacré à THRAK. Sorti en 1995 à l'origine, l'album du Double Trio a toujours été source de questionnements. Cet album est-il un retour aux sources, une synthèse, le début de la fin concernant la créativité du groupe de Robert Fripp ? Un peu tout cela à la fois, ce qui ne fait pas de THRAK un mauvais album pour autant. Mais une chose est sûre : le chapitre « THRAK » est un point important de l'histoire de KING CRIMSON, suffisamment pour qu'on lui consacre un coffret entier. Et cette fois, on est plus proche du coffret Larks' Tongues in Aspic (2012) que de The Road to Red (2013) ou Starless (2014). En effet, le coffret THRAK ne rassemble « que » 12 CD, dont la moitié dévolue aux live. En fait, plus encore que les 3 suscités, on est bien plus proche de la très grosse édition deluxe, à l'image du coffret de In the Court of the Crimson King paru en 2009.

Concrètement, le coffret THRAK rassemble tous les enregistrements studio ou presque de KING CRIMSON entre 1994 et 1996. Soit l'album de base bien sûr, mais aussi l'E.P. VROOOM, avant-goût de ce dernier paru en 1994 et porteur de grosses promesses à l'époque ; un disque intéressant, mais pas franchement folichon, notamment du côté de la qualité sonore, mais quand même plus pertinent que Jurassikc Thrak, présent tout le long du CD 1 – de la même manière que "Keep that one, Nick", c'est un montage de versions « work in progress » des différents morceaux de THRAK. En revanche, on a ici la quasi-intégralité des Vrooom Sessions qui réservent leur lot de pépites. À commencer par "Funky Jam", augure d'un nouveau virage pour KING CRIMSON qui ne sera jamais négocié, "No Questions Asked", une première version de "Sex Sleep Eat Drink Dream", et bien évidemment "Monster Jam", qui mérite bien son titre tant il est ténébreux et virulent, avec les soundscapes sinistres de Fripp qui dominent une cavalcade infernale.
Toujours parmi les inédits, le CD 6 est certes constitué des singles promo d'époque (Dinosaur et Sex, Sleep...), mais il contient aussi un remix louche de "People" (c'est du trip-hop ? de l'ambient techno ?), et surtout, une partie des Nashville Sessions, prélude à un successeur de THRAK qui n'a jamais vu le jour. L'intérêt musicologique est prenant, mais inversement proportionnel à celui du plaisir : non seulement ces extraits sonnent encore plus « démo » que les Vrooom Sessions, mais on s'ennuie royalement. Autant se pencher sur Attakcathrak, une prolongation du fantastique Thrakattak (1996).

Du côté des live, pas grand-chose à dire. 3 concerts sont présents ici, et les fans hardcore en connaissent déjà 2 : Aztekc Thrak, soit le live à Mexico, et New York Thrak, plus connu sous le nom de On Broadway. À côté de ces live publiés par le King Crimson Collector's Club en 1999 s'ajoute Kcensington Thrak (sic), enregistré à Kensington donc, à la qualité sonore encore supérieure – et il est disponible en 5.1 sur le blu-ray audio. Tout ce beau monde est éminemment qualitatif, mais si vous avez déjà B'Boom (1995) ou Vrooom Vrooom (2001), vous ne ratez rien. De même, pour la partie vidéo, c'est Déjà Vrooom (1999) qu'on retrouve avec un plaisir certain ainsi que le bonus qui va avec, à savoir les aventures de KING CRIMSON au Japon. Un live supplémentaire est également présent, enregistré à San Francisco en 1995. L'enregistrement sonore est satisfaisant, mais on ne peut en dire autant de la vidéo. Si le KING CRIMSON des années 90 n'est pas ultra-passionnant à voir, là c'est pire, avec une seule pitoyable caméra qui filme Adrian Belew les ¾ du temps.

Mais le véritable intérêt du coffret, c'est le nouveau mix de THRAK.

Comme le sait quiconque s'intéresse à THRAK, l'idée de base était de séparer le groupe en deux trios occupant chacun un canal stéréo, pour une expérience sonore nouvelle. Durant l'enregistrement de l'album, seul VROOOM a pu être enregistré ainsi, le reste l'ayant été de manière classique. Mais en 2015, la technologie aidant, tout l'album a subi le même traitement. Et autant l'album ne devient pas intrinsèquement meilleur (son dernier tiers est toujours aussi faible), autant l'expérience sonore permet de le redécouvrir. C'est LÀ qu'on comprend l'importance du côté technique d'un album, LÀ où l'argument du « la composition et rien d'autre ! » trouve ses limites.

Rien que pour cela, l'acquisition du coffret THRAK vaut le coup. L'album reste toutefois disponible de manière isolée avec son équivalent DVD-A pour beaucoup moins cher, pour ceux qui possèdent déjà les live et vidéos présents ici. Dans tous les cas, le coffret reste un très bon exemple d'édition deluxe d'un album – sans compter bien entendu le riche et instructif livret qui va de pair.