Certes, la période Wetton (1972-1974) est, de toutes les périodes de KING CRIMSON, la meilleure et la plus riche. Certes, il y a des choses à dire sur cette courte mais intense période, donc. Mais au bout du 3e coffret, la question majeure qui se pose est : « Est-ce vraiment nécessaire ? ». Les fans ont déjà claqué un tiers de smic pour les coffrets Larks' Tongues in Aspic (2012) et The Road to Red (2013), il y a quand même tout aussi bon ailleurs chez le Roi, non ? Alors, oui, peut-être. Un gros fan aux limites du hardcore pourrait s'en passer, certes. Oui mais voilà, Starless est supérieur à The Road to Red, assez en tout cas pour être privilégié en cas d'achat à faire. De pas forcément grand-chose comme on va le voir, mais quand même.

Starless résume donc une large page de la période Wetton. Pour être plus précis, c'est cette fois la tournée européenne de 1973-1974 sur laquelle on fait le point. Une tournée d'autant plus intéressante qu'elle présente un KING CRIMSON à 4, privé de son percussionniste fou Jamie Muir. Ceci étant, ce dernier a eu une influence remarquable, surtout sur le batteur Bill Bruford (logique), dont le jeu sera à jamais changé, et en bien. On aurait aimé voir la suite des aventures à 5, mais le resserrement des rangs aura pour effet de moins disperser la musique pour la rendre d'autant plus efficace. Un mal pour un bien, quelque part.

Pour le contenu, Starless, c'est comme The Road to Red : du live en veux-tu en voilà, et même un peu plus que le coffret de 2013 si l'on compte les CD bonus. Et là aussi, on retrouve des têtes connues, comme les deux premiers concerts (Glasgow et Zürich) couvrant les 4 premiers CD et dont une partie figure sur The Great Deceiver (1992). On retrouve également, et c'était prévisible, l'intégralité de The Night Watch, live édité en 1997 et servant de base à Starless and Bible Black (1974). Un rassemblement anthologique intéressant, pertinent, et toujours de bonne qualité auditive. Rien de plus ? Rien de plus.

Encore que... Starless permet de retrouver de la vidéo quand on se penche du côté DVD/Blu-Ray. En effet, y figurent l'intégralité du passage de KING CRIMSON à l'ORTF le 22 mars 1974. Outre le regard perçant de Robert Fripp quand il fixe la caméra qui le filme (sentons-nous oppressés par Bob), c'est toujours cool de voir que la réputation de groupe génial à écouter mais chiant à regarder est définitivement usurpée, et ce bien avant l'arrivée d'Adrian Belew. Carton rouge en revanche pour "The Night Watch", pourri par des effets visuels DÉGUEULASSES. Autre vidéo intéressante et pas qu'un peu, un extrait d'un concert donné à Central Park en juin 1973. Après un "Easy Money" de bonne facture, on voit ainsi ce que donne un KING CRIMSON qui improvise. Le professionnalisme de rigueur associée à une bonne synergie musicale prouve par a+b que le groupe savait qu'improviser ne signifiait pas forcément aligner des soli sur une rythmique bateau. Après... celle-là, c'est pas la meilleure.

Enfin, et là je m'adresse directement aux "fans ultra-méga-hardcore de la morkitu", le CD 27, enregistré à Udine le 19 mars 1974, contient une chanson inédite, "Guts on my Side". Une chanson, pas une impro donc, qui n'a été jouée que 2 fois dans l'histoire de KING CRIMSON ! Était-ce parce qu'elle était mauvaise ? Pas tellement, en fait. C'est même une chanson plutôt entraînante bien qu'un peu trop pop pour du KING CRIMSON de cette époque. Dommage que la qualité sonore soit pour le coup médiocre – et on comprend pourquoi le CD 27 est un bonus.

Cet inédit ainsi que la partie vidéo, en plus d'une interprétation légèrement meilleure, font de Starless un meilleur coffret que The Road to Red. Ensuite, là encore, mieux vaut se tourner vers The Great Deceiver si l'on ne se sent pas de s'enfiler une trentaine de disques. Mais qu'on se rassure, dès le coffret suivant, le côté « redite inutile » sera clairement atténué.