Le retour de KING CRIMSON, opéré en 1981 par Discipline, appelait à une suite, et ce d'autant plus que le groupe n'avait pas fait long feu. C'est ainsi que l'année suivante sort Beat, dont le nom (et certaines pistes de l'album) font explicitement référence au mouvement beat (comme "The Sheltening Sky" sur Discipline). Dès lors qu'on assimile que KING CRIMSON est une créature polymorphe presque inclassable, il serait inutile de blâmer Beat pour son côté ouvertement pop.

Non, là où Beat pêche, c'est sur l'écriture en elle-même. Pour être franc, seuls deux morceaux peuvent réellement faire l'objet d'éloges. Le premier, "Sartori in Tangier", est une cavalcade rythmique folle, accentuée par la guitare de Fripp qui s'orientalise et tend même à se confondre avec une sorte de trompette. L'autre, "Waiting Man", se veut plus « calme », avec des percussions électroniques pertinentes, et un jeu de guitares toujours aussi bien pensé, et directement accrocheur. Au chant, Belew est plus en retrait, mais ses interventions vocales sont fort intéressantes, et ajoutent en relief au tout.

Voilà donc ce qu'il y a à retenir de bon sur Beat. Sur le reste des morceaux, seuls deux ou trois éléments sont à sauver, mais rien de plus. "Neal and Jack and Me" commence l'album avec un arrière-goût de chute de studio de Discipline, mais ce n'est finalement pas un grand mal comparé à la chanson suivante, "Heartbeat". Retirez le nom KING CRIMSON, et vous obtenez directement une chanson typique des eighties et interprétable par n'importe quelle formation éphémère de l'époque. En soi, ce n'est pas un souci, mais "Heartbeat" est affligeante, et finalement très peu mémorable. Les paroles de "Two Hands" ne sont pas mauvaises pour un sou, mais posées sur une musique monotone et tiède, elles ne marquent pas plus. Et pour finir l'ensemble, "Requiem" n'exploite vraiment rien, se contente d'être un remplissage éhonté qui aurait pu partir sur quelque chose de spectaculairement bon.

Beat est le premier mauvais album de KING CRIMSON. Certes, il est exceptionnel que cela n'arrive qu'en 1982, mais tout de même, cela n'empêche pas d'être fortement déçu, surtout au vu des expérimentations faites, ou du moins effleurées. Heureusement, le groupe n'a pas battu toutes ses cartes, et surtout n'a pas épuisé le réservoir du talent.