Il existe des oeuvres artistiques indescriptibles, insaisissables, qui coupent le souffle dès lors que l'on ne fait que les évoquer. Cela donne d'ailleurs une idée de leur puissance, qui dépasse l'entendement. Chaque être qui appréhende une de ces oeuvres ne sera plus jamais, mais alors plus jamais pareil.

Red fait partie de cet ensemble, cette élite artistique. L'ultime oeuvre de KING CRIMSON – du moins avant le magnifique retour en 1981 – ne peut être jugée. Lui préférer d'autres albums comme Larks' Tongues in Aspic ou bien Discipline, c'est vouloir fuir la vérité pourtant évidente. Chaque note, chaque mélodie, chaque structure fait de Red l'oeuvre la plus noire et la plus criante d'émotions négatives. Peu importe la volonté de trouver un sens caché ou non, Robert Fripp et ses disciples nous plongent dans les ténèbres les plus terrifiantes, à chacun d'y projeter sa propre part ténébreuse, de préférence sans étoiles.
Et puis sur Red, il y a "Starless". Inutile de chercher les mots pour le qualifier, il n'existe pas. Je me contenterai de dire que le seul morceau pouvant oser espérer lui faire concurrence serait l'ouverture du requiem de Mozart. Et encore.

Si l'album le plus lumineux reste encore à trouver (du moins pour ma part), sa Némésis est déjà bien installée. Red, l'album de la perfection désespérée, de cette nuit qui est tombée pour une éternité, qui consume ce qui nous reste d'énergie.