Un nouveau chapitre s'ouvre pour TANGERINE DREAM en 1992. Le départ de Paul Haslinger en 1990 a consommé le dernier lien avec le passé du groupe, seul le maître du projet, Edgar Froese, s'obstinant à continuer en compagnie de son fils Jerome. D'où un gros flottement en 91. Quelle direction allaient-ils prendre maintenant ? L'écriture et l'enregistrement de Rockoon se sont étalés sur près d'un an et ce titre indique une volonté de se rapprocher du rock, qu'on retrouve aussi dans le live paru l'année suivante et nommé 220 Volt. Cette hésitation est très temporaire, les publications reprenant ensuite à un bon rythme. Il ne faut cependant pas y voir l'expression d'une inspiration retrouvée. En effet, les albums studio qui se sont succédés au long des années 90 rivalisent de médiocrité.

Les Froese pensaient-ils vraiment contenter leurs fans avec tout ça ? Quelle que soit la cause profonde, ils ont dû ressentir une certaine pression de publication. Il fallait rester sur leur rythme habituel d'un album par an, même si les disques devaient être à 90% constitués de remplissage. Et voilà le résultat : un ou deux morceaux valent le coup sur chaque album, évidemment souvent placés près du début.

On peut donner un peu plus de précisions sur le style de Rockoon. Edgar Froese a toujours considéré TANGERINE DREAM comme un groupe de rock, même s'il est devenu très électronique. On ne sera donc évidemment pas très dépaysé par ce léger virage, qui est plus une publicité qu'autre chose. Il y a un peu plus de batterie, oui, sans doute électronique mais interprétée par un comparse. Il y a plus de soli de guitare que d'habitude, sans doute pour la plupart joués par Jerome, meilleur guitariste que son père. C'est bien un des rares points positifs de ce disque. Néanmoins, le plus gros reste le synthétiseur, de style typiquement T.D. Les sonorités sont plutôt meilleures et un peu plus modernes que sur Melrose, plus sérieuses que celles de Lily. On peut remarquer des points communs avec des groupes de l'époque, ENIGMA par exemple.

En revanche, sur le plan musical, quelle misère ! Ils ont rarement proposé des mélodies plus fades et moins mémorables que sur Rockoon. Il est très difficile de se souvenir de quoi que ce soit, même après plusieurs écoutes. C'est la vraie marque de cette médiocrité. Seule l'ouverture "Big City Dwarves" présente une belle ambiance avec une mélodie grave en mode mineur qu'on retiendra un peu. À la rigueur, "Touchwood" et le morceau-titre ne sont pas trop mauvais. Le reste est à jeter sans autre forme de procès. À noter que les titres des morceaux sont également devenus bien peu attractifs avec les années, disons depuis Optical Race mais c'est en particulier notable ici.

Inutile de s’appesantir plus longtemps sur cette soupe synthétique. Le disque n'a d'intérêt pour personne. Il peut passer en musique de fond si on veut vraiment entendre de la musique sans être distrait de son activité, Rockoon est la transparence-même. Les albums studio suivants seront hélas du même niveau, trois belles chroniques en perspective. Il faut attendre 98 pour avoir un début d'amélioration. Seul le live 220 Volt propose assez logiquement quelque chose de plus investi, seul témoignage de cette période qui vaille la peine d'être écouté.