La majeure partie des fans éclairés de TANGERINE DREAM vous le diront si la question leur est posée : non, la discographie live du groupe d’Edgar Froese n’a plus aucun intérêt après 220 Volt Live (1993). Alors attention, on ne parle pas ici des lives-archives, toujours aussi bons et intéressants pour la plupart mais destinés à un public très au courant de la carrière du groupe ; non, on parle ici de lives contemporains, sortis à peine un an ou deux après leur enregistrement, parfois moins. Pour rappel, ce qui a fait entre autres la légende de T.D, ce sont ses concerts homériques, où la contrainte imposée par la fragilité des instruments électroniques obligeait à improviser, à construire des séquences inédites [1]. On ne fera pas la liste des exemples ici, retenons simplement que les Froese père et fils ont fini par avoir la flemme et faire confiance à une technologie de plus en plus stable, expliquant ainsi l’apparition de lives proposant des morceaux entiers présents sur album studio. D’où l’existence de Tournado.

Tournado (joli jeu de mots) est un album particulièrement instructif. Sorti fin 1997, il relate les concerts donnés par le trio formé par Edgar & Jerome Froese et le guitariste Zlatko Perica, accompagnés par le batteur Emil Hachfeld. La lecture de la tracklist nous apprend que ce live concentre des morceaux exclusivement issus des albums des années 90, soit les pires de toute la discographie du groupe, du moins à la sortie de Tournado. Une volonté de rester in, de ne pas capitaliser sur la nostalgie ? Colossale erreur. On en vient à ce qui deviendra hélas une solide partie de l’ADN de TANGERINE DREAM, à savoir l’exploitation des fans en mode vache à lait. En effet, Tournado n’est que la première partie des concerts donnés par T.D en 1997 ; pour l’autre, focalisé sur les « classiques », il faudra attendre Valentine Wheels (1998). On n’est pas encore rendu aux arnaques des cupdiscs et autres remixes foireux d’Edgar, mais comme prélude, c’est déjà pas mal.

Tournado donc, le présent, le live, tout ça, qu’est-ce que ça vaut ? Et bien, pas grand-chose. C’est une chose de rejouer ses morceaux studio comme n’importe quel groupe pop/rock/whatever, c’en est une autre de bien le faire. Et à ce jeu, TANGERINE DREAM s’en sort... moyennement. Remarquez, on n’en doutait pas, mais disons qu’on ne s’attendait pas à ce que ce soit si agréable à écouter, et cela inclut les extraits de l’odieux Rockoon (1992). Il est difficile de dire ce qui a été effectivement joué sur scène et ce qui a été bêtement retravaillé en studio, mais le résultat est une musique bien produite, sans rien de réellement énervant. Je me suis même surpris à taper du pied sur "Touchwood", c’est dire ! Toutefois, l’album n’est pas folichon pour autant (on le savait déjà), et si l’on exclut l’intro qui propose quelque chose d’à la fois inédit et prenant, il n’y a tellement rien de neuf, surtout en termes d’interprétation. En particulier, la contribution de Perica est proche du néant, un comble pour un groupe se revendiquant du rock depuis sa création.

En fait, Tournado est une compilation bien musclée plus qu’un vrai live. Une compilation qui arrive néanmoins à bien extraire l’essentiel des albums sortis entre 1992 et 1997, nous dispensant ainsi de leur écoute. Dommage qu’il faille dépenser de nouveau de l’argent pour avoir accès à l’autre partie d’un concert typique de TANGERINE DREAM à cette époque.

Note réelle : 1,5 si on connait le groupe, 2 sinon.



[1] : ça ou bien on fait des happenings à la Jean-Michel Jarre avec du bon gros playback des familles