Il ne faut surtout pas aller croire que je manque de cohérence. À la fin de la chronique de Goblins' Club, de 1996, j'affirme qu'un certain redressement est en cours et voici venir une nullité de plus en 1997. Rassurons-nous, il s'agit en fait de la reparution d'une édition limitée de 1992, l'année de Rockoon, l'album au sujet duquel il y a consensus pour dire qu'il est le pire de TANGERINE DREAM, enrobé de deux nouveaux morceaux dont un très mauvais, mais ce n'est pas forcément inquiétant pour la suite.

Parlons d'abord de ce "Quinoa", long de 28 minutes, et qui date donc de cette année 92 bien sinistre chez T.D. Il avait été distribué aux membres du fan club du groupe, à seulement 1000 exemplaires. C'est une grande suite fort électronique, jouée par Edgar et Jerome Froese uniquement, et qui s'oppose donc quelque peu au rock de Rockoon. Elle s'apparenterait plutôt à des morceaux plus anciens comme les deux parties de Live Miles ou même Tangram. Un gros morceau à l'ancienne donc, à ceci près que la qualité n'y est pas. Mélodiquement, la seconde partie de Tangram est un chef-d’œuvre en comparaison.

Farcie des mêmes sons moisis et enchaînements creux que les autres productions de l'époque, cette plage "Quinoa" se traîne misérablement en longueur sans passionner l'amateur de musique électronique normalement constitué. C'était bien la peine de la rééditer, mais bon, les fans sont les fans, et ceux qui n'avaient pas eu un des rares exemplaires se sont mis à le désirer. Notons que la partie la plus rythmique du morceau, allant des minutes 9 à 15 environ, a été interprétée en concert et est présente sur 220 Volt Live sous le titre "Two Bunch Palms", dans une version plus électrique et investie que l'originale.

Le seul véritable intérêt de cet album est plutôt la première plage "Voxel Ux", un inédit de 12 minutes composé à l'occasion d'un concours, en 1996. Ce n'est pas transcendant, mais on se situe plutôt au niveau de qualité de Goblin's Club voire un peu au-dessus, surtout dans les deux premiers tiers. C'est un morceau assez lent rappelant un peu Underwater Sunlight, par ses sonorités héritées de la période Haslinger. Il ne faut pas s'attendre à un déluge rythmique mais on retrouve un certain côté hypnotique qui le fait mieux correspondre que "Quinoa" à l'idée d'un morceau de TANGERINE DREAM classique.

Quant à "Lhasa", il n'y a pas grand-chose à en dire. Cette espèce de méditation d'une dizaine de minutes ne comporte aucune vraie mélodie ni aucun rebondissement rythmique, juste une succession barbante d'accords, qui ne font même pas la preuve d'une science de l'harmonie hors du commun. À son sujet, il faut savoir que ce morceau est une première version de "The Blue Pearl", la plus longue partie de Seven Letters From Tibet (paru en 2000), sachant que j'ai toujours considéré cette plage comme le maillon faible de l'album et que cette version bénéficie pourtant de meilleures sonorités, on imagine sans peine ce que je pense de "Lhasa".

Du remplissage de discographie, à but probablement strictement mercantile, voilà ce qu'est Quinoa. Deux fonds de tiroir et une version inachevée d'un mauvais morceau, le tout déguisé en album de T.D à l'ancienne, de quoi essayer de tromper les vieux amateurs du groupe tout en trayant un peu plus les fans, certes consentants. Inutile de perdre son temps à écouter ceci, croyez-moi. Mieux vaut encore s'intéresser aux B.O sorties entre Goblins' Club et Mars Polaris (Oasis, Transsiberia et What a Blast).