Malgré une quantité gargantuesque d’albums sortis tout au long de sa carrière, surtout lors de la fuite en avant entre 2005 et 2015, la discographie de TANGERINE DREAM a le mérite d’être relativement lisible. Le groupe autrefois mené par Edgar Froese propose ainsi une segmentation claire et nette, principalement liée à la maison de disques du moment. On peut citer donc les Pink Years (1970-1973), première partie de l’histoire de TD chez Ohr, ou bien les Blue Years (1984-1988) chez Jive Records. Cependant, même les vagues amateurs du groupe connaissent la période la plus connue, la plus influente de TANGERINE DREAM : la période Virgin, située entre 1974 et 1983 ; c’est cette période que la maison de disques fondée par Richard Branson a revisitée par deux coffrets en 2019 et 2020. Eh oui, deux coffrets pour 9 ans de carrière, et je m’avance mais ce ne sera même pas suffisant.

Le premier de ces coffrets, In Search of Hades, couvre la sous-période la plus riche selon bien des fans. En effet, c’est entre 1974 et 1979 que TANGERINE DREAM sort ses albums les plus réputés : Phaedra (1974), Rubycon (1975) et Stratosfear (1976), le plus gros succès commercial du trio alors formé de Froese, Chris Frank et Peter Baumann. Ici, personne ne manque à l’appel, autant pour les albums studio que les lives - le référentiel Ricochet (1975) et le plus contestable Encore (1977). Je ne reviendrai pas sur ces albums, et vous renvoie, ami(e)s lecteurs et lectrices, aux chroniques correspondantes. Enfin, personne... la B.O de Sorcerer (1977) brille par son absence, ce qui est assez curieux, surtout quand le controversé Cyclone (1978) est présent - l’inverse ne serait pas choquant.

Côté inédits, In Search of Hades rappelle surtout le genre de concerts que faisait un groupe de musique électronique allemand dans les années 70 : des improvisations à gogo, découlant de l’impossibilité de pouvoir alors rejouer à la note près ce qui avait été capté en studio. Tout fan de TANGERINE DREAM qui se respecte sait ainsi, à travers moult bootlegs, souvent approuvés par le groupe lui-même - cf. le projet Tangerine Tree - que le groupe était un vrai champion à ce niveau. Aura-t-on donc un florilège exhaustif ici ? Bien sûr que non, mais dans un souci de représentation, In Search of Hades propose, en plus de Ricochet et Encore, quatre lives de haute qualité, enregistrés lors de l’âge d’or de TD. Personnellement, c’est un immense plaisir de revoir le live au Royal Albert Hall de 1975, avec Michael Hoenig remplaçant un Peter Baumann alors momentanément absent. Pour être franc, chacun d’entre eux jouit d’une créativité exceptionnelle, avec des séquences typiquement berlinoises mêlées à des passages ambient parfois angoissants mais toujours captivants. Par contre, il est dommage que certains lives manquent, en particulier durant la sous-période 1978-1979, quand bien même on imagine que cette dernière attirerait moins les auditeurs.

Enfin, les inédits studio constituent ce qui attire le plus les fans de TANGERINE DREAM. Outre l’album entier Oedipus Tyrannus (qui fera l’objet d’une chronique à part entière), on retrouve des bonus tracks, notamment du côté de Cyclone et Force Majeure (1979). Bon, on ne va pas se mentir, ce sont au mieux des faces B, au pire des démos plus abouties que la moyenne. D’ailleurs, en parlant de démos, In Search of Hades possède 2 CD entiers remplis de chutes de studio de Phaedra. Musicologiquement, c’est génial, surtout pour les grands fans de l’album pilier de 1974. Mais est-ce là la caverne d’Ali Baba, chargée de pépites et autres petits trésors ? Non, et ce d’autant plus quand on voit en Phaedra abouti un album bien mais pas top.

Inutile de faire la fine bouche cependant : In Search of Hades reste un coffret récapitulatif riche et généreux, refusant le révisionnisme et ne pêchant que par un 'refus' relatif de satisfaire la voracité des fans - et encore, on a enfin accès à Oedipus Tyrannus. Le coffret étant de plus disponible sur les plateformes de streaming, il n’y a même pas d’excuse d’accessibilité.