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TANGERINE DREAM - Quantum Gate (2017)
Par ARP2600 le 26 Mars 2018          Consultée 3711 fois

Pendant presque cinquante ans, TANGERINE DREAM a été le projet d’Edgar Froese. Il a parfois eu de brillants collaborateurs qui ont eu plus ou moins de liberté et d’importance dans la composition des morceaux du groupe, mais Froese a toujours eu le rôle dominant. Quand il est mort à l’âge de 70 ans, au début de l'année 2015, il était naturel de penser que l’énorme flot de publications dans lequel il s’était lancé à corps perdu pendant une dizaine d’années, et souvent de qualité très médiocre, allait enfin cesser et que le groupe reposerait en paix avec lui, même si les autres membres ainsi que son épouse avaient annoncé d’emblée leur volonté de continuer son œuvre.

Il faut dire qu’il était forcément en train de travailler sur un ou plusieurs albums, sa mort ayant été subite et imprévisible. Il avait même annoncé une nouvelle époque pour le groupe, qui allait maintenant entrer dans ses années quantiques (quantum years). Froese était un peu allumé et avait des idées sur la physique et l’univers assez discutables, mais disons qu’il voulait revenir à quelque chose de plus cosmique et de plus proche des racines du groupe. Il avait déjà publié un ou deux E.P (ou cupdiscs comme il disait), mais aucun album n’avait pu paraître dans ce contexte. Il avait aussi recruté le musicien et producteur Ulrich Schnauss ainsi qu’une violoniste, Hoshiko Yamane. Avec le vétéran Thorsten Quaeschning, le nouveau trio orphelin a décidé de développer le matériel qui avait déjà été composé en un album logiquement appelé Quantum Gate.

Cela pouvait se passer de deux manières. Mon pessimisme musical naturel me faisait pencher pour la mauvaise : soit ils allaient renoncer, soit le résultat serait anecdotique. D’autre part, ils pouvaient profiter de leur nouvelle liberté pour laisser parler leurs qualités, et aussi prendre leur temps pour sortir quelque chose de solide et achevé, ce que Froese ne réussissait plus à faire pendant ses dernières années. Le croirez-vous, mais, ô miracle, c’est exactement ce qui s’est passé. Quaeschning avait déjà montré un certain talent, sur Jeanne d’Arc et le cupdisc Purple Diluvial. Schnauss, lui, est un excellent artisan du son, déjà auteur de divers remixes et productions depuis une quinzaine d’années. Il leur a fallu deux ans et demie pour peaufiner ce disque, mais le résultat en vaut vraiment la peine.

Oui, il s’agit manifestement du meilleur TANGERINE DREAM depuis le milieu des années 80, rien de moins. Mars Polaris et Jeanne d’Arc étaient de très bonnes publications, mais on est ici un cran au-dessus, car il y a moins de remplissage et la production est énorme. Dès les premières notes, on ressent une dynamique qu’ils n’ont probablement jamais eue, car un tel son était impossible il y a trente ans. C’est aussi un disque émouvant car il réussit à rendre hommage à Froese, à perpétuer le style de TANGERINE DREAM, tout en montrant le visage d’un groupe frais et moderne. C’est une performance très subtile, chaque morceau rappelant plusieurs anciens morceaux du groupe ou de Froese solo, mais sans jamais tomber dans l’autocitation, et avec un mélange sonore typique de notre époque. On peut sans doute comparer ce travail à la synth-wave, il faut dire que ce style récent n’est jamais qu’une actualisation de la musique de T.D, VANGELIS, CARPENTER et autres projets électroniques des années 80. Sauf qu’ici on a droit à l’original, beaucoup plus fin et authentique, proposant enfin un son des années 2010.

J’expliquerais bien les principes de la mécanique quantique, mais c’est un domaine tellement étrange et complexe de la physique qu’il n’est même pas sûr que quiconque l’ait jamais vraiment compris. Sans doute pas Einstein, peut-être même pas Stephen Hawking, les deux étant cités dans le livret de l’album. Et donc Froese non plus forcément, c’est juste une nouvelle thématique pour la musique, et l’occasion de donner des titres mystérieux comme "Identity Proven Matrix", "Non-Locality Destination" ou le plus malicieux "Roll the Seven Twice". Heureusement, ce n’est pas que de la frime, cela donne lieu à de jolies fresques répétitives et colorées. Si certains passages manquent un peu de structure mélodique, par exemple "Granular Blankets" qui présente cette impression que Froese fait ses gammes comme un trop grand nombre de ses morceaux des années 2007-2014, la production suffit à les rendre agréables.

Il y a bien sûr aussi des points forts. L’ouverture "Sensing Elements" est une démonstration particulièrement réussie de ce style plus calme que celui de Mars Polaris, plus abstrait et moins romantique que celui de Jeanne d’Arc. Je pense qu’il s’agit d’ores-et-déjà d’un des meilleurs morceaux de l’histoire de TANGERINE DREAM (et ce n’est pas un simple coup de cœur, si cette chronique est un peu tardive, l’album étant sorti en septembre 2017, elle a de ce fait déjà un certain recul). "It is Time to Leave When Everyone is Dancing" est le seul morceau où Froese n’est pas crédité et il est superbe, avec une remarquable construction par couches successives. "Identity Proven Matrix" est le plus évocateur, un exemple de beauté simple même si le kitsch n’est pas loin (tout est question de mesure). Citons encore l’éthéré "Proton Bonfire" et le final régulier "Genesis of Precious Thoughts" (1), qui rappelle le plus la période Schmoelling.

Si le mérite revient clairement aux nouveaux patrons du groupe, un doute subsiste au sujet de l’attitude et de la volonté d’Edgar Froese quand il a lancé cette période quantique, aussi bien tournée vers le passé séquencé que vers un avenir incertain. Peut-être a-t-il compris, mais un peu tard, qu’il faisait fausse route avec sa pléthore de morceaux identiques, et qu’il était temps de repasser à quelque chose de plus collectif et travaillé. Nous ne le saurons jamais, mais quelle que soit son importance réelle dans la conception de Quantum Gate, il s’agit d’une belle œuvre qui se suffit à elle-même, tout en constituant un bel hommage à un des rares vrais génies musicaux du vingtième siècle. Pourront-ils continuer sur cette belle lancée ? On se prend à l’espérer. Quoi qu’il en soit, ils ont réussi avec ce disque à redonner pour un temps sa grandeur au nom TANGERINE DREAM.

(1) Sur la version CD/numérique. La version en 2 vinyles présente un ordre des plages différent, peut-être pour proposer une expérience légèrement différente ?

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   (2 chroniques)



- Edgar Froese (synthétiseur, guitare sur 6)
- Thorsten Quaeschning (synthétiseur, guitare, basse)
- Ulrich Schnauss (synthétiseur)
- Hoshiko Yamane (violon)


1. Sensing Elements
2. Roll The Seven Twice
3. Granular Blankets
4. It Is Time To Leave When Everyone Is Dancing
5. Identity Proven Matrix
6. Non-locality Destination
7. Proton Bonfire
8. Tear Down The Grey Skies
9. Genesis Of Precious Thoughts



             



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