Je sens que je vais me faire incendier, mais je n'ai jamais été du genre à avoir peur de mes opinions. J'ai toujours trouvé ce disque fondateur du rock progressif bancal, mal achevé, poussif, douteux. Sans parler de cette pochette horrible que je m'empresse toujours de cacher de ma vue quand je sors le cd de l'étagère (je n'ose imaginer ce que ça devait donner en taille vinyle).

Ce doit être moi, vu que tous les autres chroniqueurs en disent du bien et que beaucoup de gens sont sensibles à cette musique. Ce qui est sûr, c'est que je ne comprends pas et ne comprendrai sans doute jamais ce qu'on lui trouve. Oh bien sûr, il y a "21st Century Schizoid Man" qui déménage pas mal et que j'aime bien. Le problème vient des quatre ballades qui suivent. Franchement, le progressif, ce n'est pas que ça, quoi ! On sent simplement qu'on n'est qu'au commencement d'un style en construction, une seule de ses composantes est au point, il faudra attendre les travaux de VAN DER GRAAF GENERATOR – par ailleurs injustement dénigrés – pour que tout se mette vraiment en place.

Je ne veux pas être trop dur non plus, les mélodies sont agréables, une caractéristique des débuts du groupe. D'autre part, j'ai toujours eu un faible pour la voix de Greg Lake. Ainsi, par exemple, "I Talk to the Wind" me plaît encore assez. En fait, si l'album avait pris une autre tournure après les deux premières chansons, le résultat aurait pu être bien meilleur. C'est l'accumulation de rythmes lents inondés de mellotron qui me plonge progressivement dans l'ennui. Le summum est la partie expérimentale de "Moonchild", dépouillée et incomplète, difficile à suivre et perturbante, je m'empresse toujours de l'oublier.

Enfin, dernier souci, j'ai découvert le deuxième album du groupe, In the Wake of Poseidon, avant celui-ci. J'ai donc une toute autre perspective. Les points communs sont nombreux et le deuxième a souvent été accusé d'être une redite. Moi-même, j'emploie parfois cet argument du manque d'originalité quand un deuxième album est une pâle copie du premier, mais ce n'est pas le cas avec KING CRIMSON. Dans le deuxième, les rythmes sont plus variés, et les mélodies sont suprêmes. J'ai toujours trouvé la comparaison cruelle pour le premier. Par exemple, si je compare les chansons-titres des deux albums, je trouve immanquablement "In the Court of the Crimson King" poussive.

Si In the Court of the Crimson King est effectivement une étape importante de l'histoire de la musique, je mets vraiment en doute sa qualité réelle, tant je trouve qu'il est dépassé par des dizaines d'albums ultérieurs de rock progressif.