Electronic Meditation ressemble par bien des aspects à une imposture dénoncée par le fondateur de TANGERINE DREAM lui-même. Il s'agit de la première production discographique du groupe qui, bien que né en 1967, ne s'était produit jusqu'alors que dans des concerts relativement confidentiels, fort de l'agitation artistique du Berlin de la fin des années 60.
L'album est issu d'une session privée entre Edgar Froese, Klaus Schulze et Conrad Schnitzler auxquels se sont adjoints le flûtiste Thomas Keyserling et l'organiste Jimmy Jackson (collaborateur régulier d'AMON DÜÜL II). Déjà, le livret de l'album ouvrant ne mentionne jamais l'intervention des deux derniers musiciens cités, vice moral auquel Edgar Froese nous a plusieurs fois habitués au cours d'une carrière contaminée par un penchant à un certain révisionnisme.
Le leader du groupe n'a jamais considéré Electronic Meditation comme un vrai album de TANGERINE DREAM. Froese, Schulze et Schnitzler se sont contentés d'improviser en studio pour ce qui devait être une répétition. Et c'est l'ingénieur du son qui aurait envoyé à Rolf-Ulrich Kaiser la bande enregistrée à l'insu des musiciens. R. U. Kaiser venait alors de créer le label Ohr Musik. Il vit en cette bande magnétique l'occasion rêvée de signer un second groupe après avoir signé et produit FLOH DE COLOGNE. Son label est devenu depuis celui qui a signé tous les grands groupes du Krautrock.
Mais Edgar Froese reproche à ses deux acolytes de ne pas s'être opposés à la publication d'Electronic Meditation qu'il juge inabouti.

La réputation de TANGERINE DREAM n'étant plus à démontrer aujourd'hui, le titre de ce premier album est lui-même trompeur car il laisse attendre une musique méditative. Que nenni ! C'est un album de rock psychédélique acide et expérimental auquel nous sommes conviés. Bien que l'orgue et la guitare de Froese fassent penser aux expérimentations du PINK FLOYD d'Ummagumma, ce n'est pour autant pas une musique séductrice. La guitare s'emballe dans des accès de furie hendrixiens (autre héros de Froese), Klaus Schulze cogne sur ses fûts sans aucune subtilité et la flûte s'égosille plus qu'elle ne chante.
Le livret voudrait nous faire croire qu'un concept traverse les 5 titres de l'album, un concept fumeux à vrai dire, qui raconterait ni plus ni moins que la naissance et la mort d'un cerveau avant sa résurrection finale.

Il ne faut surtout pas débuter la discographie de TANGERINE DREAM par ce disque, non qu'il soit honteux artistiquement parlant, mais parce qu'il ne représente pas du tout l'identité musicale du groupe. Le vrai premier album est en fait le second, Alpha Centauri, où Edgar Froese a pu planter les bases de ce qui deviendra la musique cosmique qui lui est si chère.

En l'état, Electronic Meditation reste le témoignage intéressant d'une époque où les artistes allemands se cherchaient une identité intrinsèque à travers des expérimentations qui bénéficiaient de la tutelle de Karlheinz STOCKHAUSEN. C'est un album de rock sauvage et débridée, mais déjà très arty dans sa démarche.