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MUSIQUE ÉLECTRONIQUE  |  B.O FILM/SERIE

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Klaus SCHULZE - Angst (1983)
Par AIGLE BLANC le 21 Novembre 2014          Consultée 3099 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Angst est la seconde B.O officielle de Klaus SCHULZE. Que la carrière du musicien allemand ait croisé la route du 7°art, cela n'a rien de surprenant quand on sait les images mentales que sa musique est capable de générer. Rappelez-vous le bien-nommé Picture Music. Dans le livret de Mirage, le synthétiste expliquait que sa musique n'était pas conceptuelle et que c'était à l'auditeur d'y plaquer ses propres images. Pourtant, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce rendez-vous évident sur le papier n'a été profitable ni à SCHULZE ni à l'industrie cinématographique.
Les longs-métrages dont il a signé la B.O, bien qu'ayant imprimé la pellicule, sont loin d'avoir autant marqué les esprits. Qui a vu Body Love (1977), Next of kin (1982), Angst (1983) et Le moulin de Daudet (1994) ? De ces films aujourd'hui oubliés, le premier a été cantonné au circuit X (Et ne comptez pas sur Catherine Ringer, l'une de ses interprètes, pour vous en parler. Elle l'a carrément rayé de son CV). Le second est un obscur film d'horreur australien dont la B.O ne figure même pas dans le catalogue officiel de SCHULZE. Quant à Angst, sa sortie dans les salles hexagonales a été compromise suite à l'interdiction dont il a été frappé par le ministère de Jack Lang. A la différence de TANGERINE DREAM, Klaus SCHULZE n'a jamais travaillé avec un cinéaste de la renommée de Michael Mann.

SCHULZE avait hésité avant d'accepter le contrat de Lasse Braun, la nature pornographique de Body Love n'étant pas il est vrai gage d'une respectabilité artistique. Quant à Angst, qui adopte le point de vue d'un tueur, le compositeur s'est demandé si le réalisateur n'était pas plus timbré que son psychopathe de personnage. Film extrême, Angst a attendu 2011 avant d'avoir l'honneur en France d'une édition DVD. D'ordinaire, la musique est charcutée sur la table de montage, le réalisateur ayant besoin de quelques secondes de frayeur par-ci, de quelques secondes d'émotion par-là... et la composition du musicien devient... ce qu'il en reste. Or, Gerald Kargl venu trouver SCHULZE avant le début du tournage lui avait assuré qu'il ne calerait pas sa musique sur le montage mais l'inverse.

Si Body Love est oublié, en revanche sa musique a acquis une belle renommée dans la carrière de Klaus SCHULZE. Elle reste incontestablement la meilleure B.O qu'un film pornographique puisse espérer. Et Angst, est-elle de qualité supérieure au film lui-même ?
La réponse est loin d'être aussi lumineuse. Angst me semble bien supérieur à sa musique, notamment sur le plan de l'inventivité. Il s'agit d'une expérience filmique audacieuse, dérangeante, quasi expérimentale, autant de qualificatifs qu'on ne saurait attribuer à sa B.O. Si dans l'économie du long-métrage, elle fonctionne remarquablement (la musique est en adéquation totale avec les images), en revanche, sans les images, elle perd une grande part de son impact... et même de sa signification.
Le sentiment qui suinte de tout le disque est la claustrophobie. La musique traduit ainsi parfaitement le caractère oppressant d'un film dont même les scènes d'extérieur nous emprisonnent dans l'esprit malade du psychopathe. La B.O génère une sensation d'étouffement, un manque d'air, résultat d'une production brut de décoffrage. En effet, le son est d'une âpre sécheresse accentuée quelquefois par le martellement syncopé d'une batterie électronique mort-née qui n'a même plus envie de nous faire taper du pied sur la piste de danse.
Le titre d'ouverture, "Freeze", délivre une très belle mélodie ayant déjà servi dans le morceau "Sebastian Im Traum" extrait d'Audentity (1983). Il s'agit d'une ritournelle dont les notes liquides s'entrechoquent, séquence parfaitement exécutée quoiqu'ambiguë : d'un côté, les sonorités du glockenspiel évoquant un univers vaguement naïf, de l'autre la froideur des timbres suscitant une attente lourde de menace. Une immersion totale dans la psyché d'un schizophrène.
L'intéressant "Pain" superpose trois séquences tantôt simultanément, tantôt alternativement. La première strate consiste en des percussions électroniques imposant un rythme frénétique qu'appuie un beat techno extrêmement ralenti. La seconde couche propulse dans un espace diffus une sirène pouvant évoquer celle d'une voiture de police, sirène qui va et vient de manière aléatoire mais avec une insistance inquiétante. Enfin, SCHULZE plaque par-dessus des accords de Fairlight plus proches du rythme des percussions. Aucune progression n'est à noter dans ce titre, et pourtant le très habile agencement des séquences conduit l'auditeur sans ennui jusqu'au bout de ses 9 minutes.
Le même principe est reproduit dans le lancinant "Memory" où un clavier éventé improvise sur une séquence liquide empruntée à l'album Drive-inn de Klaus SCHULZE et RAINER BLOSS. A la différence qu'ici l'esprit dansant de ladite séquence est totalement annihilé par un second clavier hagard qui enchaîne les notes dans une confusion cyclique.
"Surrender" débute par un long solo de plusieurs batteries programmées, complexes et à la limite de l'arythmie, colonne vertébrale ininterrompue qui scande jusqu'au vertige la composition. Là-dessus, vient se greffer, vicieuse et viciée, une nappe de claviers aux sonorités proches de tiges de bambous dans lesquelles on soufflerait sans qu'il en sorte un son digne de ce nom. La lenteur obsédante des claviers essoufflés accuse un net décalage avec le martellement des batteries, comme si les deux couches musicales, incompatibles, ne pouvaient s'harmoniser.
"Beyond" conclut l'album par une piste encore plus ambiante. Des frappes ralenties de tam-tam électronique sont régulièrement parasitées par une armada de bidouillages sonores qui passent alternativement de l'arrière à l'avant-plan et vice-versa. Là-dessus, une séquence analogique qui rappelle l'époque de Body Love, donc absolument pas raccord avec les deux autres du point de vue des textures, vient ajouter sa mécanique glaçante tournant à vide.

Angst a été composé durant la période la plus mal-aimée de Klaus SCHULZE, celle où ses ennuis de santé (dépendance à l'alcool notamment) ont eu raison, selon certains, de sa clairvoyance musicale. Sa musique qui n'avait jamais été bien complexe avait alors perdu la chaleur de ses harmonies et la subtilité de ses arrangements. Désossée, elle apparaissait réduite à une pure mécanique. Certains ont pu penser à juste titre qu'elle avait perdu son âme. La B.O de Angst n'échappe pas au cruel constat. SCHULZE semble souffrir d'un déficit d'inspiration. Il est vrai que les cinq titres de cet album semblent avoir été engendrés par un compositeur en roue libre. Mais la vision du film peut aider à mieux les appréhender tant l'osmose est indéniable entre les images et la musique. Le plus bizarre toutefois, c'est que si vous découvrez le DVD (paru en France chez Carlotta), vous vous apercevrez que seul le titre final, "Beyond", a été retenu. Tout le reste, soit près de 28 minutes, est passé à la trappe. La musique entendue dans le film explore la même veine, mais ne figure pas dans l'album, preuve s'il en est que SCHULZE disposait d'un matériau beaucoup plus important que celui édité.

2,5/5 (pour la note affinée)

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   AIGLE BLANC

 
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- Klaus Schulze (electronics, linn drums, fairlight)


1. Freeze
2. Pain
3. Memory
4. Surrender
5. Beyond



             



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