Mais que s’est-il passé dans la tête de John ZORN pour qu’il sacrifie à la tradition ô combien américaine de sortir un disque de Noël ? On ne peut en effet incriminer personne, et surtout pas une maison de disques qui l’aurait poussé à enregistrer une telle bêtise : ZORN est son propre producteur depuis longtemps. Alors quoi ? Eh bien, même si cela paraît étrange, il faut admettre la probabilité selon laquelle John ZORN, le pape de l’Avant-Garde New-Yorkaise, AIME ce genre de disque.

Et donc, pour célébrer la neige, la débauche de nourriture, le ruissellement de cadeaux, la bise annuelle à la vieille tante qui pique et surtout l’avalanche de bons sentiments que cette période est supposée susciter, John ZORN convoque The Dreamers. Cela paraît logique, dans la mesure où ce groupe est clairement un des plus accessibles de la galaxie zornienne, proposant une musique abordable, jolie et sans prétention, une espèce de smooth jazz teinté d’exotica*. A la base, The Dreamers a même un côté lisse et propre sur soi qui le rapproche dangereusement de la muzak. Ce qui l’en écarte, en revanche, c’est que derrière son côté suave et facile d’accès, le groupe cache une bande d’artilleurs de premier plan, notamment Jamie SAFT au piano et à l’orgue, ou l'exubérant Marc RIBOT à la guitare. Heureusement qu’ils sont là. Dans A Dreamers Christmas, leurs différentes interventions sauvent (un peu) les meubles.
 
Seulement voilà, cela ne suffit pas. Il faut dire que cet album est avant tout une collection de reprises. Des reprises de machins bien sucrés que l’on a l’impression de s’envoyer à grands renforts de sirop. Certes, c’est la saison, mais la crise de foie nous guette. D’autant que ZORN, qui compose tout de même deux titres, ne s’éloigne pas de cette atmosphère gluante de bons sentiments. Seuls les quelques morceaux qui sonnent clairement jazz sont pas mal par endroits malgré leurs titres à la con : "Snowfall", "Have Yourself A Merry Little Christmas", "Magical Sleigh Ride". On y sent même le groupe frémir, comme prêt à lâcher la bride à son sens de l’improvisation, mais sans aller au bout du geste. Dommage.
 
Fondamentalement, ce disque n’est pas terrible. On aurait pu attendre, de la part de John ZORN, qu’il s’amuse avec le concept de disque de Noël, qu’il le malmène et le torde dans tous les sens. Il n’en est rien. Tout l’album est très premier degré, mignon tout plein – ah, ces cloches et ces clochettes –, et finalement ennuyeux. On est tellement loin de l’inventivité et de la furie dont ZORN a pu faire preuve par le passé avec des reprises** qu’il est difficile de croire qu’il s’agit du même homme. Même Mike PATTON, qui clôt le disque avec "The Chrismas Song", semble touché par la léthargie ambiante. Alors bien sûr, les musiciens sont absolument impeccables. Mais cela ne fait pas tout. Enfin, ça fait un 2.
 
 
*Le terme d’Exotica peut sembler péjoratif, mais il est pleinement revendiqué par John ZORN lui-même.
**Ennio MORRICONE, Ornette COLEMAN, etc.