AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Filmworks VIII : 1997 est une bonne nouvelle. Le disque fait en effet partie des vraies réussites de cette série, que l’on sait par ailleurs inégale. Compilant la musique de deux films, l'album rassemble deux obsessions zorniennes de cette fin de siècle : la musique juive et le porno. Drôle de mélange sans doute, mais ZORN traite tous les genres, pourvu qu’on le lui demande gentiment.

The Port of Last Resort est un documentaire racontant comment des milliers de juifs fuyant l’Allemagne Nazie se sont retrouvés, entre 1937 et 1941, à Shanghai, pourtant japonaise à l’époque. Sujet historique, sujet pointu, mais tombant pile-poil dans la frénésie klezmer de ZORN qui n’en a pas encore terminé – l’enregistrement date de 1997 – avec MASADA*.
Ce n’est pourtant pas à son resplendissant quartet que ZORN fait appel, mais au futur MASADA STRING TRIO. Le groupe, qui n’a pas encore de discographie à son nom, a littéralement illuminé le splendide Bar Kokhba - Masada Chamber Ensembles de 1996, il ne nous est donc pas totalement inconnu. Sa formation étant cependant toujours en construction, ZORN expérimente, utilisant tout ou partie du trio sur certains titres, le complétant selon son inspiration par Marc RIBOT à la guitare, Anthony COLEMAN au piano, et même, plus exotique pour nos oreilles occidentales, Min XIAO-FEN au pipa, le luth chinois.
L’ensemble est très beau, souvent grave, parfois enlevé, une certaine allégresse se dégageant des thèmes joués au pipa. Une fois de plus, la précision de l’ensemble est symbiotique. Une fois de plus, on en reste pantois. Redisons ici que ce trio est une des plus belles formations créées par ZORN, toutes époques confondues, et que rien que pour cela, Filmworks VIII : 1997 vaut l’écoute.

Et pourtant, ce n’est pas tout. Latin Boys Go To Hell, quoique dans un genre différent, vaut également le détour. Réalisé par Elya Troyano, c’est un porno gay basé sur une histoire de cousin de province débarquant dans la grande ville. Il y trouve évidemment stupre et fornication, ici avec des mâles tout en muscles et tout en rut.
Pour accompagner le film, ZORN écrit de formidables pièces pour percussions. Jouant sur les textures et les boucles, mêlant le vibraphone de Kenny WOLLESEN aux congas et surdos de Cyro BAPTISTA, il crée des titres évoquant aussi bien Steve REICH – pour les percussions à claviers – que John CAGE – pour la jolie boucle au piano préparé. MORRICONE n’est comme toujours pas oublié, une guimbarde suffisant à le convoquer.

A partir de deux sources d’inspiration radicalement différentes, John ZORN crée deux excellentes musiques de films, faisant de ce Filmworks VIII : 1997 un album exigeant mais très accessible, et qui s’avère être une excellente cuvée. A découvrir.


*La discographie de MASADA, le groupe le plus connu de John ZORN aujourd’hui encore, a beaucoup marqué les esprits. Elle est pourtant courte selon des critères zorniens : 10 albums studio parus entre 1994 et 1998.