Quelques mois après avoir entamé le second livre du projet Masada intitulé Book of Angels, John ZORN s'enquit de l'enregistrement de son second chapitre qu'il intitule Azazel. Le New-yorkais puise dans son fameux répertoire pour à nouveau proposer quelques-unes de ses compositions comme terrain d'improvisation. Cette fois, c'est le Masada String Trio, à savoir, Greg Cohen, Mark Feldman et Erik Friedlander qui rend hommage aux écrits de Zorn. Créée à la fin des années 90 par John Zorn, cette formation est devenue emblématique au sein de la famille Tzadik.

Pour ce second chapitre, Zorn et son trio continuent d’approfondir l'univers de la musique traditionnelle juive, tout en se jouant du carcan des genres musicaux. Les treize morceaux se dessinent à la manière d'intimes pièces classiques, dont la nature épurée n'est pas sans rappeler le quartet Masada originel (Zorn/Douglas/Cohen/Baron).
Dans cette danse à trois, l’interprétation est réduite à son plus simple apparat, dévoilant la moindre subtilité, la moindre nuance et rendant la puissance acoustique brûlante de dynamisme et de sensualité. Les improvisations s’enchaînent avec fougue et les instruments sont sollicités sous toutes leurs coutures : legatos enchantés, staccatos infernaux et autre pizzicatos pétulants domptent les mélodies. La contrebasse de Cohen, le violon et Feldman et le violoncelle de Friedlander s'étreignent, folâtrent et paradent dans un ballet à la poétique et à l'harmonie touchantes, quand bien même elles frôlent parfois la convulsion ("Gurid"). Un véritable triangle d'or !

Les musiciens manient le vocabulaire du Klezmer avec une adresse aguerrie et semblent s'emparer de cette musique comme d'un kaléidoscope d'émotions. Ainsi, se confondent dans une sensuelle ambiguïté, teintes chatoyantes, éclats mélancoliques ("Garzanal"), saillies mélodiques fulgurantes et autres fractures dissonantes ("Mibi"). Les interactions sont fusionnelles, vivantes, vigoureuses et ne manquent jamais de happer l'auditeur tant elles brillent par leur spontanéité.

Ce second chapitre du Book of Angels est pour ainsi dire poignant de vitalité et d'énergie. Il prouve à bien des égards non seulement le talent d'entremetteur de John ZORN, mais aussi sa capacité hors-pair de compositeur. Bien que la musique juive qu'il chérie tant soit l'écrin de ses écrits, l'improvisation en est la quintessence. Avec une complicité qui n'est plus à prouver, le Masada String Trio parvient à insuffler la vie aux canevas du chef-d'orchestre avec une remarquable intensité. C'est une rencontre qui n'a assurément rien perdu de sa fastueuse énergie.