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Le jour de la mort de Johnny
Par GEGERS le 15 Septembre 2012 Consulté 4621 fois

Il y a quelques jours, nous avons frôlé le drame, la catastrophe, la tragédie : Johnny hospitalisé ! L'idole des jeunes, qui s'apprêtait à s'embarquer pour une nouvelle tournée d'adieux et à enregistrer son nouveau dernier album, alité dans un mouroir insalubre de Pointe-à-Pitre ! Pendant 72 heures, la France à vécu au rythme des palpitations cardiaques de l'interprète de « Comme si je devais mourir demain », tressautant à chaque signe de vie, analysant avec une profondeur journalistique les allées et venues de Latiatia. Les journalistes (les « vrais », cette fois), se délectent pour leur part depuis quelques années de la lente déchéance et des nombreux déboires de santé (physique, mais aussi fiscale) de Jean-Philippe Smet. Les médias généralistes, qu'ils soient de gauche ou de droite, relatent avec une frénésie rapace les moindres faits et gestes du rocker, comme si l'avenir de la France dépendait du devenir de notre Jojo national. Car voilà, Johnny Hallyday est une icône, une véritable star comme on en fait plus ma bonne dame. Élevé au rang de symbole national par les politiciens, qui en vantant les immenses vertus de la musique de rocker tentent de se mettre dans la poche les voix de ses (innombrables) adeptes, Jojo se voit doté d'une stature gigantesque, d'une aura de dieu vivant, infaillible et indestructible.

Il faut dire que la success-story Hallyday, qui doit autant au hasard qu'aux capacités vocales du chanteur, a de quoi séduire. Et puis, avec plus de 50 ans de carrière, la saga Johnny est peu à peu devenue une tradition familiale. On mange du rôti le dimanche, on va à la Grande Motte en août, on écoute Jojo. C'est comme ça. Devenu idole par héritage, Johnny déchaîne, chaque fois que l'on parle de lui, les passions les plus brutales, qu'elles soient acquises à sa cause, ou qu'elles jettent l’opprobre sur ce chanteur qui, après tout, n'est qu'une pâle copie d'Elvis.

Johnny, donc, va mourir. Il faut bien s'y faire, autant se préparer tout de suite à l'idée. Les Fatals Picards, forts de ce constat, en ont été pour leurs frais lorsqu'ils ont eu l'outrecuidance de proposer à leur maison de disques Warner leur morceau intitulé « La mort de Johnny » en 2009. Warner, qui s'avère être la maison de disques du résident suisse, ne pouvait décemment pas laisser passer un tel blasphème. Exit donc ce morceau, remisé au fond d'un placard. Pourtant, lorsque l'on pense aux nombreuses compiles, rétrospectives et coffrets-anniversaires qui fleuriront à peine l'acte de décès prononcé (cf les précédents Michael Jackson et Whitney Houston), le passage de vie à trépas de l’interprète de « Pour exister » sera sans doute synonyme d'amélioration du chiffre d'affaires pour la major.

La population française sera pour sa part en deuil, à durée indéterminée. Probablement, Line Renaud, Charles Aznavour et Mireille Matthieu mangeront déjà les pissenlits par la racine, mais il ne fait nul doute que les funérailles de Johnny surpasseront de très loin celles des artistes précités. Nécessairement, elles seront nationales. A tout seigneur tout honneur, comme dit l'autre. Descente du cercueil sur les Champs Elysées, inhumation au Panthéon, survol de la scène par des Mirage 2000, et tout le toutim. Les nécrologies des magazines papier, radio et télévisé, sans doute rédigées depuis plusieurs années, vanteront « l'inimitable timbre torturé et puissant de cet amoureux de la vie et des femmes », ou encore « le patrimoine musical immense d'un écorché vif, bourlingueur et hédoniste ». Car quoi qu'on pense de Johnny, il faut reconnaître que son décès sera la fin d'un mythe rock'n'roll, d'un accessible rêve américain, à une époque où les « beats » abrutissants de David Guetta trustent le sommet des charts. La mort de Johnny, ce sera celle de nos souvenirs d'enfant, où l'on se déhanchait, un balai en guise de guitare, sur ses boogie-rock déchaînés. Par extrapolation, le décès de l'icône française, sera aussi (dans cinq, dix ou vingt ans), la mort de Mick Jagger, de Gérard Manset, de Paul MacCartney, de Robert Plant, de tous ces mecs qui, dans un pays ou un autre, ont porté haut de flambeau de la musique rock.

Du coup, les médias et les gens parlent, discutent, débattent régulièrement de Johnny, comme pour exorciser, éloigner ce moment fatidique où le rock cessera d'être. Cela fait de très nombreuses années que Johnny n'est plus rock, et l'on s'en contrefiche. Plus que l'interprète de « Oh Marie », ce que l'on chérit c'est le symbolisme Johnny, celui d'un genre musical fondateur qui cessera d'exister lorsque ses derniers représentants se seront éteints. Rien que pour savourer un peu plus ce long déclin, vive Johnny, dût-il nous asséner sa voix désormais aigrelette sur un album composé par Yannick Noah...



Le 06/12/2017 par POWERBEAUF

Ben voila, on y est...


Le 15/09/2012 par POWERBEAUF

La mort de Johnny ne fera qu'acter dans le paysage musical français ce que le cinéma national a subi il y a exactement 25 ans, lorsque Lino Ventura est mort et que Belmondo a décidé de laisser tomber les rôles de superflic-justicier : la fin du héros populaire, viril, débordant de charisme et capable, au besoin, à faire le coup de poing.

La suite est déjà connue, car présente depuis bien longtemps : le règne des Noah, Delerm, Bénabar, Luce et Cie dans la chanson française, celui des Duris, Merad, Sy dans le cinéma. Des "artistes" dont le charisme est à la hauteur de leur talent. Des "artistes" symboles d'une musique et d'un cinéma français totalement aseptisés, totalement convenus et désespérément creux car dépourvus de personnalité.

J'ai beau ne pas être fan de Johnny (bien que j'aime plusieurs de ses disques), je comprends totalement l'émoi que suscitera son décès chez les soi-disant "beaufs", les soi-disant "franchouillards", les soi-disant "réacs". Pourquoi ? Parce qu'on peut avoir de très bonnes raisons de préférer "Rivière, ouvre ton lit", "Flagrant délit", "Gang" ou une tripotée de ses albums live à n'importe quel skeud produit par la (désormais bedonnante) Nouvelle Scène Française. Et aussi parce qu'on sait qu'aucune major ne donnera sa chance à un artiste ayant potentiellement le même charisme et le même talent...



             



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