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Musiques folkloriques et musiques traditionnelles
Par JOVIAL le 22 Septembre 2016 Consulté 5758 fois

Il y a de ça quelques semaines, au détour d'une conversation sur les musiques dites « du monde », une collègue me fait une réponse qui, sans trop savoir pourquoi sur le coup, me choque immédiatement :

« … Vous savez, moi et les musiques folkloriques ... »

Musiques folkloriques ? Non, ce terme ne convenait pas.
De nouveau, quelques jours plus tard, en switchant alors sur une radio locale quelconque, j'entends la présentation d'un des morceaux du dernier Tri Yann.

« … Le groupe de musique traditionnelle nous revient en grande forme ... »

Musique traditionnelle ? Non, Tri Yann n'a rien d'un groupe de musique traditionnelle et ne l'a d'ailleurs jamais revendiqué. Alors pourquoi le désigner ainsi ? Musique traditionnelle et musique folklorique serait-il devenu synonymes ?

Il semble évident que les médias ne sont guère les mieux placés pour comprendre la différence entre musiques traditionnelles et musiques folkloriques et n'en ont probablement rien à faire. Inévitablement, c'est au tour du grand public d'oublier cette même différence. Celle-ci, du moins à mes yeux, reste des plus importantes. Le fait de l'atténuer, voire de la supprimer, traduit à mon sens parfaitement ce que sont en train de devenir la Musique et son idée dans nos sociétés. Elle reste certainement un art, mais elle n'est désormais plus un fait social et culturel. C'est un bien de consommation. Et la musique folklorique, contrairement à la musique traditionnelle, n'est en rien un fait social et culturel. C'est l'archétype même, à mon humble avis, du bien de consommation.

Parler de musique traditionnelle et musique folklorique nous oblige à redéfinir les termes de « tradition » et de « folklore ». Tâchons de rester synthétique.

La tradition est un ensemble de pratiques, d'idées et de connaissances transmises de génération en génération. Elle repose sur le comportement précis d'une société donnée, ses faits et ses gestes au quotidien d'une vie ordinaire et populaire.

La définition du folklore est souvent identique dans la plupart des dictionnaires, mais se sert généralement du terme de « tradition » pour le définir. « Le folklore est l'ensemble des pratiques des sociétés traditionnelles » nous renseigne ainsi le Larousse, qui note également son double-sens péjoratif.

Le folklore se définit donc par la tradition. Mais la tradition se définit-elle par le folklore ? Rarement. Les dictionnaires des synonymes rapprochent ainsi le folklore du « mythe » et de la « légende », quand la tradition se voit plus volontiers rattachée au « rite ».

Mais ne confions pas entièrement notre réflexion aux dictionnaires qui, comme chacun sait, reflètent une langue réfléchie, décortiquée et décidée d'une seule et unique manière. Tournons-nous plutôt vers l'Histoire.

Le mot « folklore » est relativement récent. Il n'apparaît qu'à la fin du XVIIIème. Il provient avant tout d'un mouvement littéraire et scientifique d'abord britannique, qui s'élargit par la suite à toute l'Europe. Les cercles intellectuels s'enthousiasment alors pour les traditions populaires, les chants, les danses, les contes, les costumes. C'est l'époque bénie des Ossian, des Théodore de La Villemarqué et autres Elias Lönnrot. Puis très vite, dans une Europe encore sous le choc du Printemps des Peuples, les États comprennent l'intérêt du mouvement. Le folklore devient, au même titre que l'histoire, les monuments, la langue ou parfois la religion, un pilier de l'identité nationale.

Cependant, les États ont besoin d'une base nationale encore plus sûre. L'Histoire devient histoire officielle, histoire enseignée. La langue est codifiée et ne tolère plus l'abâtardissement des patois. Quant aux pratiques traditionnelles, elles ne sont, dans un premier temps, étudiées et inventoriées que pour en extirper une substantifique moelle correspondant au canon national. En somme, comme la photographie fige l'instant, le folklore fige une tradition, dont il choisit néanmoins les limites, n'hésitant pas à omettre, à adapter voire à inventer ce qui ne convient pas à l'idée patriotique. Le folklore sert à la base le nationalisme et, en cela, n'est parfois que pure création. La tradition elle, ne se fige pas. Elle évolue avec la temps et crée d'elle-même ses pratiques nouvelles.

Je ne voudrais guère parler au sujet de cultures dont je connais que ce que les livres, l'Internet et les médias me donnent à en savoir, ainsi je prendrais un exemple que je pense maîtriser, celui de la Bretagne – dans l'espoir de lire dans vos réactions les exemples d'autres pays et régions.

La Bretagne est un exemple parfait de cette inquiétante confusion faite entre tradition et folklore. Le triskell est devenu objet traditionnel, de même que les druides, les bagadoù. On oublie qu'aucun des trois n'est à l'origine présent dans la tradition bretonne moderne. Le triskell fut ressuscité par les différentes mouvements régionalistes, le Gorsedd s'inspire des cercles druidiques gallois et les bagadoù copient les pipe bands écossais. Jusqu'aux années 70, le « Breton moyen » n'a jamais entendu parler du triskell comme symbole de sa « celtitude », n'assiste en rien aux cérémonies des ovates et, s'il connaît les duos de sonneurs et chante pendant le labeur, n'a jamais vu un défilé en costume traditionnel.

Le Breton d'aujourd'hui, dans son immense majorité, ne sait pas cela. Il est fier de ses racines, mais ne sait plus rien d'elles. Il se contente d'acheter ce que l'on sélectionne par avance pour lui. Peu à peu, la culture bretonne s'est elle-même folklorisée. En ne gardant qu'une infime partie de sa tradition, partie appréciée du grand public et donc économiquement rentable, elle envoie aux oubliettes certains trésors qu'elle regrettera peut-être par la suite. Comble de cette société insensée, les derniers perpétuateurs de coutumes authentiques (Breuriez, Bara an Anaon …) sont regardés de travers et traités d'arriérés … folkloristes !

Sa musique n'a donc, elle non plus, pas été épargnée. La musique traditionnelle bretonne tend de plus en plus à s'effacer devant sa petite sœur folklorique.

Je n'ai aucune animosité personnelle à l'encontre des artistes/groupes de musique folklorique. Gagner sa vie avec sa propre musique est une des plus belles choses qui soit et je ne jouerai pas au nationaliste bas-du-front qui hurlera au voleur. Mais le fait que la musique folklorique gagne également l'appellation « traditionnelle » me révulse.

La musique folklorique est limitée. Elle se contente de standards vendeurs et connus comme tels. Combien de fois avons-nous entendu « Tri Martolod » depuis Alan Stivell ? Combien de reprises, combien d'artistes nous la resservent maintenant chaque année ? Et combien de chants, de textes et d'airs sont délaissés, abandonnés pourrissant dans les cartons de Dastum, car sans doute jugés trop … invendables ? Le phénomène Nolwenn Leroy n'est pas anodin.

La musique traditionnelle, tout autant ancrée dans son terreau séculaire, est néanmoins capable, elle, de créer, d'exprimer l'état, les désirs et les secrets d'une société vivante qui pense et agit. Mais soyons réalistes : pour combien de temps encore ? Céder aux sirènes de la musique folklorique, c'est signer l'appauvrissement de la Musique en elle-même. Et la Bretagne n'est sans doute qu'un exemple parmi tant d'autres, hélas …
Et si tous commencent à chanter dans l'espoir de vendre, alors la Musique est condamnée.



Le 19/10/2016 par JOVIAL

@Chipstouille : mon édito est une réflexion, je n'oblige personne à être d'accord avec moi !

Mais pourquoi pas la musique "populaire" si elle s'inspire des musiques de tradition populaire, par opposition à la musique savante. La musique traditionnelle peut être dans l'air du temps, ce n'est pas uniquement "la musique des vieux" ! ;)


Le 19/10/2016 par YM

@ Chipstouille :

"populaire" (ou "paysanne", le peuple étant, à cette époque, composé à 95% - à peu près - d'agriculteurs) -



Le 15/10/2016 par CHIPSTOUILLE

Petite question, maintenant que grâce à toi je fais attention avant d'utiliser "traditionnel" ou "folklorique". Dans ma chronique du concerto pour piano n°11 de Haydn, je précise qu'il s'est inspiré de musique "folklorique" pour son troisième mouvement. En me relisant ce jour, je me rends compte de mon étourderie et m'apprète à corriger par "traditionelle". Sauf que non, en 1780, la musique en question n'avait rien de traditionelle et était tout à fait dans l'ère du temps.

Quel terme conviendrait donc le mieux pour parler du passé?


Le 07/10/2016 par JOVIAL

Breton "traditionnel" ... héhé :)

Je suis d'accord avec toi, mais je pense qu'Angèle Jacq soulignait surtout le fait la syntaxe française trop souvent le pas sur la syntaxe bretonne, en reprenant le classique sujet / verbe / COD.

"Deus p'lec'h oc'h ?" = "Deus Rahon/Raozoun/Roazon!" et non pas cette réponse interminable "me a zo eus Roazhon". La réponse doit aller à l'essentiel, pas besoin de rappeler ce que la question a déjà mentionné. Mais tout cela est très français, on apprend l'anglais et l'espagnol de la même façon, à répéter les "this is, there are ..."/"Yo soy, tu eres ..." plutôt que de préférer les réponses courtes.

Et oui, j'ai moi-même appris "Me eo Jovial" ... avant de me rendre que le voisin ne s'embarrassait guère de ces complications grammaticales !

Bref. On va s'arrêter là sur le breton, ce n'est pas forcément le lieu et les lecteurs ont en eux assez avec Glenmor mar'hat ! :)

Pour en revenir au sujet de l'édito, je lisais dernièrement un article sur l'Irlande dont beaucoup de musiciens "trads" s'inquiètent du même phénomène.


Le 06/10/2016 par FRED

Attention : le "me zo" est très employé en breton traditionnel !

"Me zo skuizh !" : Je suis mort de fatigue, crevé, lessivé au bout du rouleau !
sujet + verbe + complément, dans le sens emphatique, très expressif !
"Skuizh on" : je suis fatigué (forme normale, sans emphase)

"Te 'serr an nor ?" ("Toi, tu fermes la porte ?", sous entendu : la personne précédente ne l'a elle pas fait...)


Piv out-te ? ME ZO un den kar-e-vro, hag a blij deha mont war internet...
Ha pe anv 'p eus ? ME ZO Fred (ma anv).
"Me zo", ce qui est pourtant contraire à toutes les méthodes écrites du breton !!!!!!!!!

Bon, sinon, le constat est sévère, mais globalement juste, même si ça fait un peu mal.
Juste un truc, pour préciser : le phénomène décrit par YM est la conséquence de la déculturation des populations concernées (perte des repères de la société traditionnelles) qui, cependant, refusent leur acculturation (assimilation au modèle culturel dominant).... d'où création d'une identité de substitution, souvent faite de bric et de broc... et correspondant au final parfaitement à la logique de marché (business de la 'zique, des produits allal...), d'où, au bout du compte... une espèce d'assimilation inconsciente aux valeurs de la société occidentale de consommation ! Paradoxe !
Kenavo d'an holl !


Le 06/10/2016 par JOVIAL

Merci pour ce commentaire des plus intéressants YM !

J'ajouterais cependant que même chez beaucoup de ceux qui font la démarche d'apprendre la langue, nombreux sont à la massacrer et à s'en satisfaire ... Accent français, mots empruntés au gallois, tournures latines ... Encore récemment j'entendais Angèle Jacq râler contre les "me zo, me zo ...", ces nouveaux apprenants qui ne comprennent que la syntaxe française. Plus étonnant (ou triste) cette réflexion faite à un ami éleveur à Plougastell : "je ne vous comprends pas, je parle le breton moderne" ... (et lui de répondre : "et moi ? Je parle le breton du Moyen Age peut-être ? Chavaj brein !") ...

On retrouve le même phénomène en musique : faire du moderne sur un champ de ruines, en laissant bien apparaître la pierre de taille, mais en prenant soin de cacher la bâtisse entière !


Je serais curieux de savoir ce qu'il en est dans les autres régions de France et d'Europe ... Personne parmi vous les gens ?


Le 06/10/2016 par YM


Pertinent, en effet.
la musique bretonne devient un business, une niche commerciale.
Les "Bretons" d'aujourd'hui s'en contentent, pour la plupart, elle devient marqueur identitaire, ersatz de pacotille dans une société de plus en plus globalisée.
Cela rassure le "Breton", à moindre frais (il évite souvent de creuser la question, par fainéantise, mais aussi parce que, au fond, il n' a pas beaucoup évolué par rapport au regard de ses parents sur la culture du pays... gant ar vezh - concept de la honte inculquée et encore bien présente - ; et puis, aussi, surtout, par manque d'éducation (ses racines ne lui ont pas été enseignées... mais il ne cherche pas vraiment, non plus, à approfondir la question, même si il a désormais, tous les moyens à sa disposition, JOVIAL citait dastum...).
A rapprocher du phénomène "voile et halal" que connaissent les jeunes musulmans déracinés des quartiers sensibles de France. La Forme et l'affirmation extérieure exacerbée (voile et bagad... voire davantage) remplacent le fond et l'authenticité.Pertinent, en effet.
la musique bretonne devient un business, une niche commerciale.
Les "Bretons" d'aujourd'hui s'en contentent, pour la plupart, elle devient marqueur identitaire, ersatz de pacotille dans une société de plus en plus globalisée.
Cela rassure le "Breton", à moindre frais (il évite souvent de creuser la question, par fainéantise, mais aussi parce que, au fond, il n' a pas beaucoup évolué par rapport au regard de ses parents sur la culture du pays... gant ar vezh - concept de la honte inculquée et encore bien présente - ; et puis, aussi, surtout, par manque d'éducation (ses racines ne lui ont pas été enseignées... mais il ne cherche pas vraiment, non plus, à approfondir la question, même si il a désormais, tous les moyens à sa disposition, JOVIAL citait dastum...).
A rapprocher du phénomène "voile et halal" que connaissent les jeunes musulmans déracinés des quartiers sensibles de France. La Forme et l'affirmation extérieure exacerbée (voile et bagad... voire davantage) remplacent le fond et l'authenticité.
Ce phénomène est, avant tout, le résultat de l'acculturation de ces deux populations.
Depuis le départ, on a pu constater que les bagads et cercles "celtiques" (mot galvaudé s'il en est) étaient des vecteurs importants de la francisation de la jeunesse bretonne : on n'y emploie, à de rares exceptions, que le français.
Au-delà, je pense que le "Breton" ne veut plus vraiment l'être réellement : c'est trop fatiguant, sans doute... cela demande trop d'efforts, ce qui n'est plus, vraiment, dans l'air du temps, on se contente du... folklore (sous toute ses formes). L'une des formes de ce folklore, particulièrement lamentable, est cette fameuse relation à l'alcool : "si tu ne bois pas, ne tiens pas l'alcool, alors t'es pas un Breton !". Super !
Mon grand-père me disait qu'avant 14-18, l'alcool était absent des tables bretonnes, au quotidien. L'habitude d'une consommation quotidienne ne s'est développée que suite aux mauvaises habitudes acquises sur le Front et à la nécessité commerciale d'éponger les excédents en provenance d'outre-Couesnon. Confère les Amérindiens et leur fameuse "eau-de-feu".
Fainéantise, en effet ! On préfère désormais lever le coude plutôt que d'apprendre 3 phrases de breton de base. Entreprendrez-vous quelqu'un en "brezhoneg" que ce dernier prendra aussitôt un air effaré en vous répondant un :"heuuuu... je ne parle pas breton (sous-entendu :"et j'ai pas envie de m'y mettre, alors, fous moi la paix et continuons de nous cuiter en langue française"). Et je parle là de gens parfois trilingues (LV1-2-3 !)... qui ignorent jusqu'au premier mot de l'idiome local ! Confère le groupe "celtique" et landernéen MERZHIN, par exemple ? Sacré manque de curiosité, isn't it ? Et manque criant d'authenticité que voudraient palier les décibels de l'ampli'...
Evidemment, je généralise, car on peut encore parler assez facilement breton, et pas que dans les bars... il suffit juste de le vouloir, mais cela demande davantage d'efforts que de coller un BZH au cul de sa voiture (affirmation extérieure de ce que l'on a perdu, cf, encore, voile et halal...)

Je voudrais aussi finir sur une note optimiste : le phénomène Nolwenn Leroy est certes très commercial, mais la fille est très honnête dans sa démarche. Son cœur est pur ! Elle a par ailleurs pu permettre à des gens (pas que des Bretons) de s'intéresser à la culture bretonne, comme TRI YANN en son temps.

N'eo ket aet an taol d'ar c'hleuz ! La messe n'est pas dite, loin de là... Ce sont les Bretons qui, désormais, ont les cartes de leur devenir entre leurs mains... à eux le choix de la découverte ou de l'ignorance !!!


Le 04/10/2016 par EL PROFESOR SANTIAGO

Pertinent !


Le 22/09/2016 par CHIPTOUILLE

Merci pour cet éclaircissement sur les définitions de traditionnel et folklorique.
Néanmois, je tempérerais le propos en précisant que toute culture se doit, afin de rester vivante, de progresser. Et bien souvent, le progrès s'opère par la mixité.

Du coup, la musique folklorique, si elle se source dans le traditionnel mais n'en fait pas elle-même partie, a toutefois pour avantage de mettre en évidence la culture dont elle est issue, par la mixité qu'elle opère avec les canons à la mode. Par cette pubilicité, elle permet ainsi de faire naître des vocations, ne serait-ce que par réaction.

Mon professeur de Français en 6ème, M. Pommier, était un ardent défenseur des traditions poitevines. Si ce n'est quelques plats locaux traditionels (enfin à part le tourteau fromager je sais pas s'il y a grand chose à sauver...) et un patois encore utilisé dans les zones les plus rurales (même par les plus jeunes, il y a 20 ans tout du moins), la tradition prend également la poussière de ce côté, et il n'y a aucun folklore pour le maintenir en vie...



             



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