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Johnny
Par MARCO STIVELL le 8 Décembre 2017 Consulté 4978 fois

Difficile de dire à quel point je suis triste. Ni fan, ni détracteur, pour moi il y avait ce sentiment d'éternité devant une carrière longue et une aura qui semblait toujours au-dessus de tout le reste. Mitchell, Dutronc, Sardou, Aznavour, Goldman, Farmer et tant d'autres semblaient toujours en retrait, pour une raison ou pour une autre et qu'il est compliqué de retrouver.
La voix, ce doit être la voix... Celle d'un merdeux crooner qui veut imiter les stars du rock'n'roll, ses favorites, au tout début à la fin des années 50, et qui ensuite gagne petit à petit des notes aiguës, des notes graves, de la hargne, de la puissance. Celle d'un enfant orphelin qui dira plus tard que la musique l'a sauvé de la prison.
Cela doit être aussi cette impression de gigantisme, en amplitude vocale comme en énergie sur scène et en organisation des spectacles, vouloir aller jusqu'au bout des choses et donner le maximum, dans chaque mot prononcé pendant une chanson comme dans une bagnole lancée sur la route, une plongée dans la cocaïne et les rapports avec les femmes, bref, les lieux communs habituels d'une icône du rock.
Du rock oui, quoiqu'on en dise. Rock'n'roll dès la fin des années 50 jusqu'en 1965, Rock soul, Rock psychédélique et Hard-rock à la fin des années 60 jusqu'au milieu des années 70, Folk-rock, Country-rock, Opéra-rock même, et ensuite, de plus en plus variété avec de nombreux éléments rétro, une période creuse durant la première moitié des années 80 pour revenir avec plus de force encore, grâce aux tubes écrits par Michel Berger puis Jean-Jacques Goldman... En bref, une carrière longue comme le bras, la jambe et plus qu'on ne peut en dire, qui aurait encore pu continuer longtemps...
Mais ça reste fou de constater qu'à notre échelle française, l'interprète de "Souvenirs, Souvenirs" (1960) est le même que celui de "Retiens la Nuit" (1961), "Pas Cette Chanson" (1962), "L'Idole des Jeunes" (1963), "Le Pénitencier" (1964), "Quand Revient la Nuit" (1965), "Noir C'est Noir" (1966), "La Petite Fille de l'Hiver" (1967), "Entre Mes Mains" (1968), "Voyage au Pays des Vivants" (1969), "Poème Sur la 7ème" (1970), "Fils de Personne" (1971), "Toi, Tu Voles l'Amour" (1972), "La Musique Que J'Aime" (1973), "Chanson Pour Lily" (1974), "Hey Lovely Lady" (1975), "Joue Pas de Rock'n'Roll Pour Moi" (1976), "J'ai Oublié de Vivre" (1977), "Elle M'oublie" (1978), "Qu'est-ce Que Tu Croyais ?" (1979), "À Partir de Maintenant" (1980), "Pas Facile" (1981), "Sans Profession" (1982), "Entre Violence et Violon" (1983), "Drôle de Métier" (1984), "Aimer Vivre" (1985), "L'Envie" (1986), "Les Vautours" (1989), "La Guitare Fait Mal" (1991), "Rough Town" (1994), "Rester Libre" (1995), "Je Vais Te Secouer" (1996), "Allumer le Feu" (1998), "Vivre Pour le Meilleur" (1999), "Marie" (2002), "Ce Qui Ne Tue Pas Rend Plus Fort" (2004), "Que Restera-t-il" (2007), "Emily" (2008), "La Douceur de Vivre" (2010), "La Femme Aux Cheveux Longs" (2012), "Te Manquer" (2014), "De l'Amour" (2015).
Que le même chanteur a eu des musiciens comme Jean Tosan, Joey Greco, Tommy Brown, Mick Jones, Raymond Donnez, René Morizur, Nanette Workman, Eric Bouad, Norbert Krief, Robin Lemesurier, Geoff Dugmore et des milliers d'autres plus ponctuels, parfois très surprenants quand on connait leur parcours ensuite : Giorgio Moroder, Jimi Hendrix, Jimmy Page... Qu'il a eu un succès peut-être pas toujours égal avec tout cela, mais qu'au final, il n'a jamais cessé d'être là, depuis qu'il a commencé.
Déjà quand j'étais enfant, pour les tubes qui passaient à la télé (aujourd'hui, celle-ci restera éteinte comme d'habitude, de même que la radio), ça m'avait surpris. Puis j'ai grandi, j'entendais beaucoup de gens clamer leur admiration, et d'autres leur dégoût bien senti. "Le roi des beaufs", selon certains qui n'ont jamais écouté un seul album, "un dieu vivant" pour d'autres qui sont présents à tous les concerts, qui ont adopté son look ou son mode de vie parfois, et qui ont dû acheter la plupart de ses 63 ou 65 albums, je ne sais plus exactement, et puis ce matin avec l'émotion, vous savez... Il représentait aussi pour moi la famille de ma mère, la génération d'après-guerre, ceux qui sont nés à la fin des années 40, au début des années 50 et qui ont été adolescents, sont devenus adultes durant les plus belles années pour la musique, même pour la variété, je le pense vraiment.
Et puis il reste une gueule. Comme au cinéma on a eu Jean Rochefort, Jacques Villeret et tant d'autres, en musique on l'a eu lui. Avec sa gueule. Et je l'aimais bien, sa gueule. Entourée de ses musiciens, elle m'a offert un des plus beaux concerts que j'ai pu voir, au printemps 2012 à Montpellier.
Je ne voulais pas être trop long, après tout j'ai déjà beaucoup écrit au sujet d'une telle carrière que je n'ai vraiment découverte que cette année, comme en témoignent mes quelques publications sur Forces Parallèles - Chroniques éclectiques. Je m'en veux simplement un peu, pour la plus récente (hormis les live), la kro-express rédigée en mai dernier pour son dernier album De l'Amour, d'avoir dit concernant le dernier morceau, que ça pourrait être un beau final à une carrière dont on ne sait pas quand elle s'arrêtera.
Eh bien voilà. Aujourd'hui, je suis un peu triste. Un peu plus qu'un peu...

RIP Johnny Hallyday.



Le 12/12/2017 par MARCO STIVELL

Merci beaucoup pour vos retours aimables et vos partages d'impressions, toujours passionnants.
Cet édito est le message que j'avais écrit le matin même sur ma page Facebook, il est donc plutôt personnel, mais je n'ai pas eu la force d'écrire quelque chose de plus détaché et solennel, étant alors sous le choc (et à vrai dire, c'est toujours un peu le cas !).
Il est évident qu'un départ comme celui-là, pour tout ce qu'il représente, ne se laisse pas accepter facilement.
Bien à vous.


Le 11/12/2017 par MUNDT

Merci Marco pour cet authentique édito. A ta liste tubesque, j'aimerais rajouter un morceau immortel et hors catégorie. Il s'agit du "Chant des Partisans" , second titre d'un EP paru en 1998. Si "Le Chant des Partisans" est bien connu, l'interprétation de Johnny est flamboyante, déclenchant une émotion intense. Bien loin des tubes, un de mes titres préférés du Jojo. Peut-être peux-tu en dire quelques mots ? Bien cordialement.


Le 09/12/2017 par PHILIPPE

Merci Marco pour ton édito et tout le travail abattu sur la discographie de Johnny.
Moi aussi sans être fan, je suis touché par la disparation d'un personnage et d'un artiste qui a presque 60 ans de carrière ! 60 ans c'est juste fou.

Mes premiers souvenirs de Johnny remonte à la fin des années 70 et début des années 80 lorsque le week-end nous écoutions RTL , l'émission "stop ou encore" ... des chansons comme Ma gueule, que je t'aime, j'ai oublié de vivre ou Gabrielle...

Un peu plus tard, ce sera l'émission TOP 50 sur canal et Europe 1 , avec Le chanteur abandonné, quelque chose de Tennessee ou Je te promets ...

Merci Mr Smet... on a partagé de bons moments ensemble depuis toute ces années !


Le 08/12/2017 par MR LARSEN

Merci Marco d'avoir rendu hommage - à ta manière - à ce bon vieux Johnny. Tu as abattu un énorme travail pour chroniquer toute la discographie de "L'idole des jeunes", c'est presque triste de le conclure par cet édito pour sa mort, mais bravo quand même et merci.
Enfant des années 1990, j'ai plus connu le Jojo d'"Allumer le feu", "Vivre pour le meilleur" ou "Marie". Je n'étais pas spécialement fan donc, mais j'aimais parfois à me refaire un titre ou deux ; étonnamment, ma préférence s'établissait finalement le plus souvent sur la période allant de la seconde moitié des 70's ("J'ai oublié de vivre", "Elle m'oublie") et bien sûr vers les hits des 80's ("Quelque chose de Tennessee", "L'Envie", "Mirador"). Forcément, ces titres refont surface aujourd'hui, à l'annonce de sa disparition. Avec le désagréable sentiment qu'on n'entendra plus cette voix caractéristique du rockeur au grand cœur. Dommage.
Salut l'artiste !



             



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