Il est difficile de qualifier un live de Johnny HALLYDAY comme le meilleur, tant il en a publié et tant il y en a de bons. On sait quels sont les moins bons, mais au contraire, à certaines époques, ils ont l'air d'être tous "le meilleur". La notation est un casse-tête, alors faisons bonne figure, ou du moins pas trop mauvaise, et concentrons-nous sur le principal : l'analyse, l'appréciation.

En 1993, Johnny a 50 ans et il veut les fêter avec son public. Quoi de plus normal ? Et quoi de plus émouvant que de commencer la rencontre, musicalement parlant, avec une évocation de "L'idole des Jeunes", la chanson, grâce aux sorciers Michel Amsellem et Thierry Tamain ? Le rythme est celui d'une marche militaire et le mélange reste saisissant, qui plus est quand on sait ce qui se trame du côté scène... Ou avant la scène, plus exactement.

Johnny fend la foule du Parc des Princes, du moins il essaie. Le stade emblématique de l'équipe de football dominante à Paris, celle-dont-je-ne-veux-pas-prononcer-le-nom, est plein à craquer des aficionados du chanteur français le plus populaire, de fans en délire. Et son idée à lui, dans la tradition d'entrées en concert spectaculaires, c'est de traverser la fosse du fond jusqu'à la scène, entouré de gardes du corps. Du génie. Du suicide, aussi. Le parcours du combattant en quelques minutes est à la fois dangereux, harassant et mémorable, Johnny manque d'y rester, on en parle même hors de France.

Enfin, l'idole arrivée sur la scène entonne sa chanson mythique, et il tient le concert-marathon comme si rien de mal ne s'était passé. Sa voix jamais ne faiblit au cours d'une set-list de chansons longue comme le bras. Et plutôt que du détail, sur cette chronique, on vous parlera ainsi de globalité, d'excellence présente sur toute la longueur. Emotion, passion, petits moments de décrochage aussi, mais peut-être est-ce dû au fait d'écouter le disque seulement, et de ne pas être présent au concert, à l'époque ?

Le spectacle vaut le coup d'oeil bien sûr, avec la reconstitution du Golden Gate, le pont de San Francisco, sur lequel se déploient les bagarreurs au moment propice, et Sylvie VARTAN qui traverse la scène en moto, quand elle ne chante pas "Tes Tendres Années" seule et a-cappella comme une fée des légendes. Musicalement, le groupe est rôdé depuis des années, entre Jannick "toujours au" Top, Padovan, Sanna, Constantin, Nono et Abrial, Tamain et Amsellem, Bamy, les cuivres et les filles choristes. Les choristes, les meilleures que Johnny ait employées, moins Aretha Franklin que de vraies fées. Il faut en profiter car ensuite l'équipe change de façon drastique.

La célébration musicale réunit 30 ans de carrière d'une manière brillante, en gardant les tubes des derniers albums (enfin, sauf le tout dernier pour le coup, mais il a déjà eu son live) et les autres incontournables, hélas parfois ("Le Bon Temps du Rock'n'Roll"). Néanmoins, certains sont présentés sous leur meilleur jour, en témoignent les deux reprises de l'album Rock'n'Slow (1974), pourtant bien mineur, et avec monsieur Eddy en prime sur l'un des deux. Il y a aussi "Gabrielle", si en plus on connaît l'intro avec la danseuse (une actrice d'une sitcom AB) nue et au costume peint.

En voulant respecter l'idée de retirer un extrait de la plupart des albums publiés entre 1960 et 1989, en invitant diverses personnes comme les trente cuivres de "Noir C'est Noir", Paul Personne, Eddy, Sylvie, "petit David" (très belle version de "Mirador") et le trop vite oublié Joey Greco qui est vraiment heureux de rendre Carole plus piquante que jamais pour la première fois depuis 1964, le concert au Parc des Princes prend des allures de grand-messe. L'écoute demande un certain effort, et il y a des enchaînements fort étonnants qui fonctionnent à merveille, alors qu'on fait un grand écart de plusieurs décennies. Les medleys (mention spéciale au 3ème !) et les interprétations des années rock'n'roll sont grandioses, tout semble couler de source et c'est en grande partie grâce à un Johnny infatigable.

En brassant l'ensemble de sa carrière et en y mettant les moyens, lui et son groupe procurent une sensation de plaisir folle, même si on pourrait chipoter en disant que certaines titres auraient pu sonner mieux, ou qu'on aurait aimé entendre d'autres pépites oubliées d'albums méconnus. Baste, brisons-là, c'est du beau, du costaud !