De l'amour, ou l'album rock'n'roll intelligent d'un Johnny HALLYDAY enfin devenu respectable dans le rapport âge avancé-production-qualité. Merci Yodelice ! Bien sûr, il ne faut pas s'attendre à retrouver l'esprit pur des années 50 et début 60, les paroles bébêtes, l'énergie de la jeunesse. Au contraire, on aime les mots sérieux et inspirés de faits réels, la sueur froide d'un ancêtre narrateur qui hante le décor, le côté "roots" traité avec les moyens modernes, les ballades contemplatives et le chant du vieux briscard.

Elle n'a jamais été aussi grave et profonde que sur "Dans la Peau de Mike Brown", hommage au Noir américain assassiné par la police. À côté on a le rhythm'n'blues classieux de "Mon Coeur Qui Bat" et le duo contrebasse-swing irrésistible du single "De l'Amour", à la fraîcheur inespérée. Les lourdeurs du disque précédent sont gommées dans l'arrangement, les guitares distordues planent ou tissent des arpèges western du début à la fin, y compris les derniers morceaux plus légers.

Choeurs "à la Morricone", pedal-steel guitare et batterie qui roule comme un train de la conquête de l'Ouest se confondent sur "Valise ou Cercueil". La guitare-baryton, caractéristique de la country, fait écho à la voix du patron, on peut aussi entendre quelque mandolines et voix gospel. Yodelice, Laurent Vernerey, Greg Leisz, Mitchell Froom et les autres apportent un soin particulier à une sélection d'excellente facture.

Un climat religieux s'installe et, on pourra toujours rire d'une telle affirmation, mais de Johnny à Johnny, j'estime que HALLYDAY s'élève au niveau d'un Cash au crépuscule de sa carrière et à échelle française, avec ce disque en tout cas. Pour moi son meilleur depuis des années, vingt ans précisément après Lorada. On ne peut prédire (et lui non plus) quand il s'arrêtera, mais "Un Dimanche de Janvier", écrit par Jeanne Cherhal en mémoire des attentats de 2015, est déjà une conclusion des plus louables...