Savez-vous quel est le plus vieil enregistrement musical connu ? Vous êtes déjà en train de songer à l’invention du disque microsillon, et de sonder votre mémoire pour deviner quel artiste de la fin du XIXe aurait pu bénéficier d’un tel privilège. Sachez qu’il existe des systèmes plus anciens que le disque, comme celui que l’on retrouve dans les boîtes à musique, dans l’orgue de barbarie et de quelques vieilles horloges. La gravure, dans de tels cas, est bien sûr artisanale. Cela restait néanmoins l’unique moyen de reproduire de la musique de manière automatique.

Dans les années 1990, le musée Speelklok d’Utrecht, spécialisé dans les instruments automatiques, a restauré un vieil orgue datant de 1793. L’instrument dispose d’un cylindre en bois sur lequel a été gravé une retranscription du menuet de la symphonie n°101 de Joseph HAYDN. Laquelle venait à peine d’être composée. La vidéo de Wintergatan, disponible sur Youtube (1), nous apprend qu’il s’agit de l’enregistrement le plus ancien de l’histoire de la musique.

Un disque de 1974, baptisé "Musical Clocks", sorti sur le label Candice, nous assure pourtant qu’une horloge de 1640 serait plus ancienne encore. Rendez-vous au musée national de Nuremberg pour vous en assurer ? Nous manquons malheureusement d’élément et d’occasion de voyager pour discerner le vrai du faux dans cette affaire.

Peu importe, "l’horloge", comme on a surnommé la symphonie après coup, peut donc être partiellement rejouée au rythme escompté par le compositeur. Ou bien non ? La chaine Authentic sound pointe du doigt ce qu’il nous parait évident (2), le rythme du cylindre semble très maladroit. Le support d’époque aurait-il subit les affres du temps ? L’artisanat ne permettait-il pas de s’assurer d’une reproduction authentique ? Ou bien le dictat du rythme constant serait-il une autre de ces scories musicales que le XIXe siècle a voulu nous imposer ? Dans sa version orchestrale, le menuet – malgré ses « poum poum » génériques donnés à coups de timbales - s’en tire honorablement. Il s’agit même de l’un des plus entrainants de la période londonienne.

La symphonie dans son ensemble ne manque ni de couleurs, ni de panache. Son surnom d’horloge, elle le doit avant tout à son mouvement lent sur deux temps. Des cordes y entonnent un tic-tac accompagnant la mélodie principale. Très jovial d’apparat, le thème finit par s’échapper de la boîte à musique dans du gros son qui déborde. Toujours avec la plus grand finesse, HAYDN revient après coup à son thème, et y rajoute quelques subtiles variations. Il nous avait déjà fait le coup dans la symphonie n°68. Sur ces deux temps, HAYDN se surpasse, et cette fois-ci avec toute la quincaillerie londonienne. Ouvrez bien les écoutilles, c’est sublime.

Reste les mouvements vifs. Après une introduction dont l’obscurité n’est pas sans rappeler celle de la 98e, le premier mouvement est d’un entrain et d’un enthousiasme communicatif habituels. Tout le faste d’un orchestre complet s’y exprime, sans que la durée ne nous égare. Ce n’est pas assez sombre pour les oreilles modernes, mais c’est assurément réussi. Le finale quant à lui, subit quelques accélérations impressionnantes. Tellement qu’on croirait entendre les prémices d’un MENDELSSOHN en pleine forme. Il se prend malheureusement les codes de la forme sonate en pleine poire. Ce qui « oblige » le compositeur, après un développement époustouflant, à revenir aux deux thèmes initiaux et son « pam tadam » de rigueur pour nous indiquer la fin. Dommage Joseph, cette fois-là on y était presque.

Quasi sans faute du début à la fin, la symphonie n°101 de Joseph HAYDN est une des meilleures londoniennes. Débutée à Vienne sous l’œil attentif de l’élève BEETHOVEN, elle fut achevée comme la militaire, à Londres. Ce fut un succès retentissant. Ce n’est pas parce qu’on a passé la soixantaine qu’on ne peut plus rien révolutionner en musique. Joseph HAYDN en est la preuve. Non, sans blague, ce mec était un génie.


(1) https://www.youtube.com/watch?v=-Rz9JcOaZw4
(2) https://www.youtube.com/watch?v=fP83q9LQXQk