Si vous rentrez "top symphonie Haydn" dans un moteur de recherche, vous devriez tomber sur un article du site Classic FM - Radio Britannique, donc en anglais - se vantant d'avoir créé l'un des documents les plus importants de la musique classique (1). Avouons que la tâche est titanesque: classer les 104 symphonies numérotées de HAYDN (2) par ordre de préférence demande a minima 35 heures d'écoutes ne serait-ce que pour découvrir l'ensemble. Gageons qu'il a fallu des jours voire des semaines pour trier le tout.

Comme nous tentons ici d'effectuer un travail similaire - en prenant un peu plus notre temps, certes - on a étudié la liste avec soin. Sans surprise, se sont les symphonies en mode mineur de l'époque Sturm Und Drang qui remportent le plus de succès, à l'opposé des Londoniennes voire des Parisiennes, dont les qualités plus subtiles sont pourtant gage de plaisir dans la durée. On s'est tout de même un peu étranglé en voyant la n°68 si bas dans le tableau ou la n°93 dans une confortable 10ème position, devant toutes les autres londoniennes.

Mais derrière un top 5 sans surprise (3), c'est la 6ème position de la symphonie n°28 (4) qui nous a le plus surpris. Une œuvre écrite dans cette année 1765 où HAYDN se cherche et n'hésite pas à expérimenter dans des voix nombreuses. On remercie donc ce classement de nous avoir pointé du doigt l'évidente qualité de ce premier mouvement énergique. Le thème y est entraînant et mélodique. Mieux, le développement nous conduit avec force dans des détours surprenants, où l'orchestre se tait presque pour revenir d'un coup dans un déchirant fortissimo reprenant le premier thème. On a là peut-être l'une des première démonstration de forme sonate complètement maîtrisée chez HAYDN, avec multiples modulations et reprises à variations renversantes, un pur chef d’œuvre.

Le reste de la symphonie ne semble cependant pas mériter les louanges de Classic FM, qui parle ici de "Trifle", ce dessert anglais un peu grossier constitué de couches superposées. Certes, le dernier mouvement est très réussi, énergique lui-aussi, ce qui semble avoir été l'un des critères principaux pour obtenir de bonnes positions dans le classement. Le mouvement lent ne possède pas de qualité particulière qui justifierait une position si prestigieuse, et nous n'en discernons pas l' "impact" vanté dans le commentaire. Pire, malgré un thème mélodique et langoureux, il s'avère long et se renouvelle assez peu. Les différentes photos et lien proposés dans l'article indiquent une prédominance des versions d'Hogwood (5), ce qui semble exclure une interprétation hors du commun ayant pu justifier cette surprenante prise de risque. Nous ne comprenons donc pas ce choix.

On en vient même à se demander s'il n'y a pas eu confusion avec l’œuvre homonyme de Michael HAYDN, symphonie de 1784. Il s'agit de l'une des 3 rares symphonies à avoir été publiée du vivant du salzbourgeois. Dans un style bien plus proche de MOZART, il s'agit là d'un authentique chef d’œuvre. La symphonie n°28 de Joseph possède bien un mouvement exceptionnel, mais se contente de "faire le job" quant à la suite. Nombreuses sont les symphonies de Joseph HAYDN qui ne brillent que sur un seul de leurs quatre mouvements (citons à nouveau la n°62, que classic FM relègue en fin fond de classement). La symphonie n°28 possède également un Presto Assai final vigoureux et ne faute que sur la longueur de son Adagio. Elle combine donc suffisamment de qualités pour que l'on vous en conseille l'écoute. De là à aller titiller notre top 10...

(1) http://www.classicfm.com/composers/haydn/guides/definitive-ranking-haydn-symphonies/
(2) Quelqu'un s'est-il donné la peine de préciser à l'auteur qu'à 2 (ou 3, en considérant la concertante) symphonies près, il parvenait à faire l'intégrale?
(3) Si vous vous posez la question, le double-sens est bel et bien volontaire
(4) Suivie de la n°11, chose encore plus étonante, nous y reviendrons.
(5) On reconnait facilement les 2 tableaux utilisés par la chaine Youtube "ComposersByNumbers" qui propose principalement des versions d'Hogwood et Brüggen - mais on voit également l'auteur de l'article encombré d'un tas conséquent de CD... J'en ai plus que lui!