Saviez-vous que le contrepoint peut être double ? (1) Malgré l’aspect barbare du terme, on est en réalité dans un cas de figure relativement simple. Le contrepoint est, pour ceux qui l’ignoreraient, un ensemble de règles ayant régi la musique avant la découverte ou l’invention de l’harmonie. L’harmonie est faite d’accords 'prédéfinis', le contrepoint est quant à lui fait de notes régulées par des intervalles autorisés. Dans un cas comme dans l’autre, il est question de jouer plusieurs notes à la fois. Là où l’harmonie entraîne dans bien des cas une unité rythmique de l’ensemble, le contrepoint est déjà bien plus ouvert sur la question. Il n’est donc pas rare, en musique classique, d’entendre deux mélodies jouées simultanément, sans trouver de rapport rythmique entre les deux.

Le double contrepoint est un cas particulier de contrepoint à deux mélodies. Elles possèdent dans un tel cas la propriété de pouvoir être inversées. La mélodie dominante d’abord donnée dans les aigus va ainsi être jouée par les instruments au premier plan (dans le cas de la symphonie classique, bien souvent les premiers violons). L’accompagnement joue sa propre mélodie, différente, suivant les règles du contrepoint.

Suite à quoi, dans le cas particulier du double contrepoint, un renversement est possible. C’est-à-dire que la première mélodie dominante est ensuite reprise par l’accompagnement, mais transposée dans les graves. Les instruments de premier plan, à l'inverse, poursuivent alors avec une transposition dans les aigus de la mélodie initialement réservée à l'accompagnement dans la première partie. Cela impose donc un peu plus de règles contraignantes, mais le résultat s'avère élégant et bien plus digeste qu'une fugue.

"L’allegro" de la Symphonie n°16 de HAYDN nous en propose un exemple très réussi. Suffisamment pour que Marc Vignal daigne lui consacrer tout un paragraphe dans sa biographie (Joseph Haydn p. 828). On ne va pas vous rétribuer entièrement le barbarisme qu’il nous afflige. Il y est également question de 'chromatisme' et de 'staccato'. Le mouvement est très vif, donné par un orchestre réduit à la portion congrue. On reconnaît dans ces lignes claires l’influence de FUX, donnant un contrepoint facile à identifier. Il finit donc par se renverser. Les notes y sont picorées (d’où le terme staccato), et tout cet attelage nous annonce les préparations du repas du midi, que l’on trouve dans la symphonie qui a véritablement hérité du n°7, du fait de Mandyczevski (cf. chronique symphonie n°37).

La Symphonie n°16 est la septième symphonie composée par HAYDN, si l’on en croit l’ordre proposé par H. C. Robbins Landon (cf. chronique de la symphonie n°19). Il n’existe en effet aucune copie Haydn-Festetics portant le numéro correspondant. Sa structure vif-lent-vif est de loin la plus courante d'une symphonie en 3 mouvements. Sa tonalité de si bémol majeur est un lieu commun. Enfin, il est question ici d’une symphonie de 'chambre', une parthia donc (cf. chronique de la symphonie n°1). Il n'y a donc rien de très original à trouver ici, si ce n'est ce double contrepoint.

Le mouvement lent est en effet moins passionnant. Il a presque des allures de quatuor à cordes. On y trouve un violoncelle accompagné (à l'octave) par des violons avec sourdines. Un effet trop peu remarquable pour que Giovanni Antonini considère d’insérer la symphonie dans le 3ème chapitre de sa série Haydn 2032, Solo e pensoso. C’était pourtant ceux-ci qui avaient justifié la réunification des 3 symphonies de ce disque (cf. chronique symphonie n°42). Celui de la symphonie n°4, une autre de la période, était donc a priori plus remarquable. Ou bien le double contrepoint du premier mouvement la destine à un autre thème ? La Symphonie n°16, à l’heure où j’écris ces lignes, ne fait partie d’aucun des 16 chapitres publiés ou annoncés de cette intégrale.

Le dernier mouvement renoue avec l’enthousiasme du premier. Il reste une commodité, malgré quelques effets de stress en provenance de Mannheim, ainsi qu’une très légère modulation à peine perceptible dans son développement.

Nous sommes devant l’une des meilleures symphonies de la période, malgré ses défauts. Ce qui ne suffit donc pas à en faire une indispensable, vous l'aurez compris. On vous conseille Hogwood, comme d'habitude, faute d'avoir une alternative à notre disposition.

(1) Même triple ou quadruple… Le dernier est d’ailleurs un prérequis nécessaire à la composition de fugues.