AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Co-production DISNEY/Pixar.

Ah, Rebelle ! Une princesse rousse, pas une sirène cette fois, mais une vraie Gaele ! On pense Irlandaise au début, et puis non, le nouveau Pixar, cherchant à se hisser au niveau des derniers DISNEY, est très écossais : les cromlechs, les kilts (hélas prétexte à une ou deux touches d'humour disgracieux et terre-à-terre, aussi regrettable que les intonations « wesh » du corbeau de la sorcière, insupportable malgré la brièveté de sa présence)...

2011 marque pour la première fois depuis longtemps une absence de grosse production, que ce soit DISNEY ou Pixar, deux années ont été nécessaires pour la gestation de Brave/Rebelle. Si une nouvelle princesse fait suite à l'éblouissante Raiponce, ce n'est pas immédiatement et pas plus mal, d'autant plus qu'elles sont bien différentes ! En fait, loin des contes classiques, la jolie Mérida n'attend pas son prince charmant, et se dressant face à ses parents qui veulent la marier de force, elle déclare qu'elle préfère chevaucher, escalader, tirer à l'arc, rester seule en somme : "Je ne suis pas prête pour le moment... et peut-être ne le serai-je jamais !". La première princesse DISNEY féministe, telle que beaucoup la décrivent, mais cela a ses travers : elle va aller jusqu'à transformer sa mère en ours ! Et c'est là tout le jeu du film, mélange d'aventure magique et de liens à resserrer.

Sans aller jusqu'au chef d'oeuvre, c'est un film très réussi et sympathique signé Mark Andrews (également réalisateur de John Carter, film en prises de vue réelles produit par DISNEY la même année 2012) et Brenda Chapman, scénariste depuis La Belle et la Bête qui devient la première réalisatrice de la carrière des studios ! Par tout ce que l'on a décrit, il faut une musique qui sonne à la fois libre, entraînante, fraîche en accord avec la personnalité de Mérida, aventureuse et grandiose, humoristique également. Cela tombe bien car, en Ecosse, on a ce qu'il faut, d'un point de vue tradition. Et pour cela, on fait appel à Patrick Doyle, dont le travail a été plutôt polyvalent jusqu'alors en termes de succès, des films d'action/superhéros (Thor, Planète des Singes), le quatrième Harry Potter ainsi que, en animation, Excalibur : l'Epée Magique (1998).

On se rend compte avec le recul que Raiponce annonçait déjà, à travers quelques passages, un retour en force d'une musique celtique/nordique rarement abordée sinon par bribes, et encore pas depuis Taram et le Chaudron Magique en 1985. Rebelle s'ouvre avec le son d'un tin whistle, la petite flûte en étain au son aigu, suivi par une harpe bardique ainsi qu'un fiddle, le violon de la tradition gaélique, pour un début sous forme d'air, une ballade très belle. Deux de ces instruments on été remis en avant sur la scène pop internationale dix à quinze ans plus tôt grâce aux CORRS irlandaises ; le troisième, la harpe, reste le plus haut fait d'arme du Breton Alan STIVELL.

S'ensuit, pour le générique et la narration, un thème mystérieux porté par le píb uilleann/uilleann pipes, ou cornemuse irlandaise que l'on joue assis, au son rond et féminin (celle dont Paddy Moloney des CHEIFTAINS est un des fers-de-lance, Troy Donockley d'IONA et NIGHTWISH également), ainsi que par les cordes qui ont elles aussi leur importance, sans jamais reprendre leurs droits hollywoodiens pour effacer la touche celtique. D'où l'importance d'avoir un connaisseur en la matière pour arriver à une telle performance ! Il y a quelque chose de Shaun DAVEY, dont le merveilleux Brendan Voyage (1980) est chroniqué en ces pages. Et c'est particulièrement remarquable lors des moments dramatiques, de la scène de bataille finale, loin des lourdeurs dont l'orchestre peut souvent faire preuve dans ce type de moment. Un régal ! Cette bande sonore en est un, de toute façon. Elle passe presque devant un film qui ne manque pas de qualités !

C'est qu'au début ensuite, pour la parade de la princesse, on retrouve le pìob-mhòr/bagpipes, la grande cornemuse écossaise au son perçant jouée debout et en soufflant, celle des marches militaires, des enterrements royaux anglais, des pipe bands et des bagadoù bretons. Ce son glorieux, qu'il soit soliste ou rehaussé en quintet, est décliné à loisir sur le film, plus encore que la cornemuse irlandaise. Normal car, dans les clans et terres gouvernés par Fergus, le père de Rebelle (Billy Connolly en anglais, Jacques Frantz en français, son dernier doublage historique pour DISNEY, snif !), Ecossais d'abord on est ! Pour la touche masculine, ils chantent la jig "Song of Mor'du", le pipe-band est sujet aux bonnes bagarres... Le bagpipes seul est utilisé pour les courses-poursuites avec beaucoup d'humour mais jamais forcé ! À noter que l'un des chefs de clans est incarné par Robbie Coltrane, alias Hagrid, puisqu'on parlait de Harry Potter, encore un géant des Highlands !

L'idée du tambourin de Raiponce est également reprise, le bouzouki (luth grec dont les Celtes ont fait bonne appropriation) accompagne joliment l'orchestre, la harpe se réserve quelques folies dans le rapport Mérida-Maman reine/ours, sachant que Emma Thompson prête sa voix à cette dernière. Elle en profite pour chanter en gaélique la douce mélopée "Noble Maiden Fair (A Mhaighdean Bhan Uasal)", accompagnée par la harpe et le violon, partagée avec la petite Peigi Barker. Frissons... Quant à Mérida, alors que ses dialogues sont gérés par Kelly Macdonald (Diane de Trainspotting), ses chansons reviennent à la talentueuse Julie Fowlis, également banjoïste, doublée en français par Maeva Méline, chanteuse de Raiponce.

Toutes deux nous émeuvent grandement sur "Touch the Sky"/"Vers le Ciel", "Into the Open Air"/"Soleil Brûlant", airs pop à forte identité traditionnelle celtique, et bien évidemment, sur "Learn Me Right". Ce thème final, qui voit l'excellente BIRDY accompagnée par le groupe MUMFORD & SONS, est susceptible de réchauffer le coeur le plus glacial ou le plus réfractaire à la musique celtique, ce qui revient à peu près au même ! (hé hé hé). Cette bande originale, ce sont des chansons superbes, encore, une partition magnifique, encore ; c'est un Raiponce sans Menken mais qui a poursuivi sur le versant folk, sans swing, sans music-hall. Une merveille que Brave/Rebelle !