AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La cas Alerte Rouge est diablement compliqué. C'est vraiment du Pixar pur jus marié avec DISNEY, au contraire de Luca (2021) qui adoptait un ton nostalgique, paradoxalement grande surprise, alors qu'ici, on est très dans le ton de maintenant, celui voulu du moins. Que des héroïnes et dans un système matriarcal/girl-power, des personnages masculins relégués au secondaire et tous idiots, tout le temps ou presque (le père notamment se distingue lors d'une courte séquence). La réalisatrice sino-canadienne Domee Shi, dont c'est le premier effort en tant que tel (et pour Pixar également, question féminité) situe son action à Toronto, sans faire étalage culturel local (on voit tout juste la tour CN pour différencier d'autres villes américaines) sauf pour y transporter des éléments de la tradition chinoise.

Soutenue par la productrice Lindsey Collins (sans omettre quelques noms bien connus mais de l'autre sexe : Pete Docter et Dan Scanlon), Domee Shi veut, pour son histoire abracadabrantesque, un groupe de quatre filles adolescentes dont une, Meilin Lee, descendante de grande famille de Chine, qui se transforme en grand panda roux le premier jour où elle a ses règles (la fameuse alerte rouge, ou 'turning red' comme pour le titre du film en VO), suivant la malédiction féminine ancestrale. Elle s'entend mal avec sa mère qui la veut trop parfaite, fait fi de ses complexes éventuels pour imposer un personnage voulu comme fort dès le départ, tout en faisant preuve d'hyperactivité et de goûts musicaux bien de son temps en compagnie de ses amies : la K-Pop. Un boys-band typique façon BTS, appelé ici 4*TOWN, doit justement donner un concert à Toronto et les demoiselles-groupies vont tout faire pour les voir ensemble, en dépit des problèmes de Mei.

On se retrouve donc avec des éléments de Dingo & Max (1995), de Rebelle (2011), de Vice-Versa (2015, et ça tombe bien car la réalisatrice a aidé à le faire celui-ci), pour un film à qualité douteuse. En fait, il est bien pour ce qu'il est, mais bon, heureusement que la musique est là pour aider à écouter mieux qu'à le regarder. Et ce, même s'il y a de la K-Pop, du rap et autres électro-modernismes, car mélangé à de la tradition chinoise, de l'orchestre avec une réussite certaine. Si on doit le 'score', la partition à Ludwig Göransson, Suédois au pédigrée déjà riche (Creed, la série The Mandalorian, Black Panther, plus récemment Oppenheimer), trois chansons se baladent, celles des 4*TOWN justement, écrites par mademoiselle Billie EILISH ainsi que son grand frère et collaborateur le plus proche, Finneas O'Connell. Alors qu'elle ne chante pas, lui figure parmi les voix du groupe inventé de toutes pièces.

Boys-band certes, mais on a connu plus factice musicalement, en vrai et y compris dans la culture qui, depuis "Gangnam Style", s'est largement exportée de Corée. "Nobody Like U" pour sa pop-funky bien taillée aux rap/loops old-school et harmonies redoutables d'efficacité, "1 True Love" en ballade piano un peu plus rock ensuite avec son rythme décalé car basé sur des croches en l'air ou encore "U Know What's Up" dans un virage latino-rap plus classique, font preuve de nombreuses qualités. On les entend pendant le générique de fin certes mais aussi durant la fameuse séquence d'affrontement finale des pandas mère-fille, avec carrément une superposition de "Nothing Like U", thème principal du film, sur le reste de l'instrumentation tribale. Les versions instrumentales valent d'être écoutées, la seconde surtout.

La BO d'Alerte Rouge dure près d'une heure vingt et ne déroge pas à la règle des facilités orchestrales pour quelques moments discutables, heureusement rares face à la masse des idées proposées. Cela vaut autant pour le versant classique que l'électronique ou même le traditionnel, représenté par une belle panoplie d'instruments chinois : le dizi (flûte aiguë en bambou), le guzheng (cithare) et le pípa (luth ou guitare), avec l'erhu (violon) pour compléter en soliste. On aime "Meilin Lee" qui offre un beau mélange avec les cordes classiques, "Turning Panda" pour son effort tribal, mais rien n'égale les deux suites "Red Moon Ritual", avec ses incantations vocales, et "The Ancestors", divisée en plusieurs séquences de marque.

"Turning Red", "Stadium Ritual", "Let Your Inner Panda Out" et quelques autres mêlent à merveille les différents aspects musicaux développés en dehors de la K-Pop. Certains, comme "Inconvenient Genetics", auraient mérité d'être plus longs et moins pagaille. Mais cela reste peu de choses, avec des "Panda-monium", grosse musique d'action avec cuivres et sons de synthés qui apparaissent avec classe. "Tyler's Deal" propose un blues avec percussions, flûte et bons claviers 'soufflés'. Rien de phénoménal mais la BO conserve tout son charme au détriment du film.

Note réelle : 3,5