AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Ce n'est pas un secret, Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas se trouve être et restera mon roman préféré. Si je dois citer le meilleur livre existant, c'est lui pour l'éternité. Une raison de vivre, en fait : dès que je le peux, je m'y raccroche. Cette année, mon écriture s'est copieusement laissée influencer par ce que l'histoire la plus palpitante qui soit a bien voulu apporter et cela s'est aussi prouvé en magie, occurrences, comme si l'âme du maître écrivain s'était impliquée – en idées à défaut du style et de la qualité, bien sûr. Au Festival d'Avignon, j'ai vu pas moins de quatre pièces de théâtre toutes dédiées aux Trois Mousquetaires, et seulement elles alors qu'il y avait aussi du Comte de Monte-Cristo.

Ce roman aussi célèbre que méconnu - car l'aventure enfant-adolescente se teinte de noirceur adulte, on l'oublie trop souvent -, est particulièrement représenté dans d'autres pays que la France, y compris aux Etats-Unis où il a connu moult adaptations, plus encore que Monte-Cristo du même auteur. Et DISNEY s'y est mis également, en 1993 avec de vrais acteurs et en 2004 pour l'animation qui nous intéresse ; même si j'ai mis longtemps à voir le résultat, cette année là encore ! Cet effort, bien que paru directement en vidéo, se devait d'être à côté des grands films des studios, donc des classiques, même s'il en est loin lui aussi, en qualité comme en style.

Le fait de miser sur les personnages Mickey, Donald et Dingo devenus emblématiques nécessite une forme de réécriture spéciale qui prend plus de liberté qu'au moment d'adapter Dickens et son Chant de Noël en 1983. Pourtant, même dans cette formule, ils ont déjà offert des adaptations plus fidèles, y compris en bande dessinée. Mais au final, Les Trois Mousquetaires de DISNEY n'ont de commun avec le roman originel que la présence de mousquetaires à Paris qui n'ont rien à voir avec D'Artagnan, Athos & co, un méchant ambitieux et puissant qui veut régner sur la France avant le roi (Pat Hibulaire, capitaine des mousquetaires, ne pouvait pas rester gentil bien longtemps, on s'en doute !) et une belle reine aimante (Minnie) à sauver.

Sans surprise, le ton léger voire humoristique est mieux respecté que le sombre qui s'installait après l'affaire des ferrets. Le film demeure sympathique pour tout amateur de Mickey et de ses amis, mais il n'a certes pas le caractère définitif du film de 83, voire duPrince et le Pauvre. Heureusement, le romantisme de Minnie et quelques touches de Minnie lui confèrent un rien de précieux, plus qu'au Coquin de Printemps, ouf ! Au moins, en France, Gérard Rinaldi double toujours Dingo, et pareil, Alain Dorval 'Stallone' pour Pat.

Fait de taille en revanche, Les Trois Mousquetaires animé par DISNEY marque le retour bref aux affaires chez eux de Bruce Broughton, compositeur spécialiste du film d'aventures, qui avait déjà fourni en 1990 la partition de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. Un choix étonnant, pour lequel il n'y a pas grand-chose à regretter, si ce n'est quelques anachronismes difficiles à manquer. La B.O de ce dessin animé est en effet très dépendante de l'image que les Américains ont de la France, et le choix des thèmes se porte plus sur le XIXème de Dumas que sur le XVIIème siècle des mousquetaires.

Avec le principe de vouloir adapter de grands classiques du répertoire symphonique-opéra en chanson ou en réinventant l'esprit (comme pour "L'Amour est un Oiseau Rebelle" de Georges BIZET, 1875) par l'entremise de nos héros anthropomorphes, leurs actions ou sentiments divers, il convient de prendre du très célèbre. Et pour le public yankee, ce ne sont clairement pas les oeuvres d'Antoine BOËSSET ni de François DE CHANCY, contemporains de l'année 1625, celle du roman.

Le tube français en 'classique', outre la habanera de BIZET pour Dingo et Clarabelle, c'est le "Galop Infernal d'Orphée aux Enfers" de Jacques OFFENBACH (alias "French Cancan", 1858), adapté ici en chanson des mousquetaires et thème principal : All for One and One for All"/"Un Pour Tous" (rappelons par ailleurs que cette citation universelle est inexistante dans le roman, apocryphe donc !). Même pas le "Te Deum" de Marc-Antoine CHARPENTIER en vue, pourtant plus proche dans le temps (1698), mais l'Eurovision ne passe pas aux U.S.A., c'est vrai.

Du reste et en termes géographiques, on va piocher chez les voisins, avec l'ouverture de la 5ème Symphonie de BEETHOVEN (1808), devenue ici "This is the End"/"C'en est fini" ; la chanson de Pat qui emprunte beaucoup au Casse-Noisette de TCHAÏKOVSKY (1892), ou encore "Sweet Wings of Love"/"Au Fil de l'Amour" qui n'est autre que le "Beau Danube Bleu" (1866) de Johann STRAUSS II. Et comme souvent avec le DISNEY standard et rétro, GRIEG et son Peer Gynt (1876) ne sont jamais très loin. Finalement, les seuls inattendus sont Arthur SULLIVAN et ses Pirates de Penzance (1879) venus illustrer le duel final Pat-Mickey à l'opéra.

N'oublions pas que, malgré le prestige de ces musiques, le traitement reste léger. À la première vision du film, même, il n'est pas incongru de trouver cela grossier (pour certains, avec le mot 'américain', il s'agit d'une lapalissade). Avec le recul, l'ensemble est honnête, à défaut de marquer les esprits. D'autant plus qu'à côté de cela, l'illustration sonore de Broughton tout au long de l'heure globale apparaît passe-partout, à quelques détails près : la scène burlesque de la tuyauterie au début, le générique final dynamique et réussi. On y note aussi (enfin !) quelques touches baroques.

Heureusement, pour la musique, il y a Minnie. À une époque où les princesses animées rêvaient encore de princes vraiment charmants, ceux-ci ayant le bon ton de ne pas trop en jouer ou de révéler leurs failles autant que leur amour sincère, il y avait de quoi bien travailler sur ce plan-là. DISNEY n'a jamais été en reste et, au moins pour partie ici, ne l'est toujours pas. Le narrateur de l'histoire, armé de son luth tout à fait d'époque lui au moins, fournit une poignée de mélodies doucereuses et bienvenues, ornées de cordes et de flûtes.