En français, on le nomme Le Roi Lion 3 (sous-titré Hakuna Matata), par souci esthétique plus qu'autre chose, mais au regard du deuxième volet de 1998 qui était une suite véritable, le titre original demeure le plus correct, à savoir The Lion King 1 ½. Bradley Raymond, à qui l'on 'doit' Pocahontas 2 et Le Bossu de Notre-Dame 2, spécialisé plus tard dans les films dédiés à la fée Clochette, propose ici une relecture de l'histoire du Roi Lion originel de 1994 mais du point de vue de Timon & Pumbaa, avec quelques ajouts narratifs notamment sur la vie et la famille de Timon pour l'effet préquel.

La mangouste et le phacochère se sont déjà rendus bien populaires en tenant la plus grande partie humoristique du premier film, enchainant gags et maladresses, voire humour bas de plafond, et ensuite en ayant leur propre série télévisée pour eux. Que peut donc bien apporter un troisième Roi Lion, centré sur eux qui plus est, même pour fêter les 10 ans de ce qui est toujours alors le plus grand succès de DISNEY ? Le côté relecture, justement, avec un caractère voulu désopilant, dès l'intro célèbre du lever de soleil sur la savane chantée par Lebo M et que Timon (toujours doublé par Nathan Lane) singe allègrement.

Les deux amis sont en fait assis dans une salle de cinéma en 2004 et regardent le film de 94, tout en donnant leurs commentaires, en interrompant les séquences dès qu'ils le veulent. Timon revient ensuite sur ce qui précède, son désert natif loin du Rocher de la Fierté et son clan de mangoustes qui passent leurs journées à creuser des tunnels pour éviter les hyènes (toujours les trois mêmes qu'on a connues), dont il est chassé pour incompétence, au désespoir de sa mère. Mère d'ailleurs doublée par Julie Kavner, voix de Marge dans les Simpson (les autres doubleurs sont les mêmes qu'en 1994, à part pour Zazu, Scar qui est absent et Mufasa que l'on voit seulement) !

Timon s'éloigne, rencontre Pumbaa, et le reste donc n'est qu'une suite de séquences suivant le film de près, raccordant les péripéties comme la rencontre avec Simba enfant, leur vie commune d'amitié dans la jungle paradisiaque, l'arrivée de Nala et le retour au Rocher pour l'affrontement final avec les hyènes. Plutôt intéressant par principe, l'humour parfois forcé n'empêche pas le film de se laisser regarder, montrer que la labelisation DisneyToon n'est pas juste là pour faire figuration et engranger de la manne financière.

Don Harper, collaborateur de Mark Mancina (arrangeur sur le premier Roi Lion, Tarzan etc) gère l'aspect musical qui lui aussi vaut le détour malgré l'aspect redite conjugué à tous les moments de rigolade pure et simple, les interruptions brusques des morceaux inoubliables de 94 ("Circle of Life", "This Land"). On ne fait qu'entendre des évocations de "Be Prepared" ou "I Just Can't Wait to Be King", en accord avec les scènes d'origine où Timon et Pumbaa s'incrustent là pour dire qu'ils y étaient, même cachés. Forcément, "Hakuna Matata" est déjà mieux respectée, alors que "Can You Feel the Love Tonight", la romance Nala/Simba, est volontairement gâchée pour alterner avec le "Peter Gunn Theme" (seul et unique par Henry MANCINI), de quoi alimenter l'humeur du conspirateur Timon.

"The Lion Sleeps Tonight" ("Le Lion Est Mort Ce Soir") n'est pas épargné avec les KOOL & THE GANG qui s'immiscent au milieu. Bref, de quoi amuser dans l'idée de sacrilège ! Et puis il y a tout de même le moment mémorable où Timon et Simba font un concours de dégustation d'escargots sur fond de "The Good, the Bad & the Ugly", chef d'oeuvre musical du western-spaghetti signé Ennio MORRICONE. Non pas seulement limité au cri du coyote, le morceau comme d'autres d'ailleurs est réenregistré voire transformé sans que ce soit risible !

La partition instrumentale cite à loisir WAGNER et OFFENBACH pour les besoins humoristiques, mais propose également ses moments forts, liés plus ou moins directement à ceux des premiers films. Marimbas et autres percussions exotiques soutiennent à loisir les ballades et autres romances jouées aux cordes, pour un résultat convaincant, malgré les interruptions brusques là encore. Le final fait d'action aux cuivres pétarade un peu trop, mais on sourit volontiers au duo accordéon-mandoline lorsque Timon veut gagner du temps en demandant Shenzi la hyène en mariage !

Les deux ou trois chansons originales proposées ne sont pas du meilleur tonneau, malgré un "Diggah Tunnel"/"Creuse un Tunnel" (la chanson des mangoustes) enthousiasmant dans son canon vocal femmes-hommes pour des sonorités de brousse et de labeur à la fois. Tout comme, beaucoup plus loin, dans la jungle, la chanson à chorale groupée qui fait très DISNEY des années 40-50. En revanche, la chanson swing de Timon seul, "That's All I Need"/"Ce Que Je Veux", dans un style swing, n'est guère mémorable. Au générique de fin, la chanteuse RAVEN interprète une reprise soul-funk de "Grazing in the Grass" (1968), tube du groupe FRIENDS OF DISTINCTION et d'un très bon niveau. Peu de bonnes nouveautés à se mettre sous la dent, mais un ensemble qui se tient !