AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

En termes d'originalité, Luca de DISNEY/Pixar (2021) mérite presque une palme, alors qu'en fait, il brille par sa simplicité. Bien que pur produit estampillé Pixar avec sa 3D cartoonesque, il demeure un de ces films très personnels pour le réalisateur concerné et un peu à part pour le studio, de la même manière que, dans l'histoire de DISNEY, Merlin l'Enchanteur (1963) ou Lilo & Stitch (2002) ont pu l'être. Et comme ceux-là d'ailleurs, il a un peu de mal à se faire accepter par les fans habituels, même si malgré la période Covid, il remporte un franc succès : 50 millions de dollars au box office, en plus d'être le film 2021 le plus 'streamé' (dieu que ce mot est laid, pour un défenseur du DVD/support physique autant que du ciné).

Luca est une créature marine enfant qui vit avec sa famille près de la côte italienne de la Ligurie. Fasciné par les objets humains tombant dans l'eau, malgré les remontrances de ses parents, il rencontre un jour Alberto, un peu plus âgé que lui, et qui l'initie davantage à tout cela, jusqu'à lui montrer qu'une fois sorti de l'eau, il peuvent se transformer en garçons humains ! Le village tout proche suscite leur intérêt, et tout en dissimulant leur vraie identité, il leur arrive diverses (més)aventures jusqu'à une certaine compétition locale qu'ils rêvent de gagner pour s'acheter une Vespa. Niveau scénario, cela reste très humble : deux amis qui justifient certes la touche fantastique, une demoiselle (Giulia), un méchant frimeur et bagarreur (Ercole)... La simplicité a du bon.

L'humour et les bons sentiments habituels, sans être forcés, sont passés à la moulinette pour un résultat très 'Federico Fellini, avec des zestes de Miyazaki'. Né à Gênes lui-même au début des années 1970 et pour son premier long métrage, le réalisateur Enrico Casarosa livre une touchante histoire d'amitié mixte, puise avec passion dans le cadre rêvé et typique des Cinque Terre, joue la carte nostalgique (l'Italie du milieu des années 60) avec une classe certaine, use de clichés avec raison et loin du cahier des charges actuels parce que c'est bien que tout ne ressemble pas à tout (entendu, Netflix ?). Côté distribution, en VO, Sacha Baron Cohen fait un rôle mineur tandis qu'en VF, au moins pour le prestige et la mère de Luca, on a tout de même Chiara Mastroianni, pas seulement 'fille de Marcello et Catherine Deneuve', pour coller au plus près de la 'bella nostalgia' !

Durant cette fort belle heure et demie, le compositeur Dan Romer, plutôt habitué à fournir des arrangements pour des artistes (Cristina AGUILERA, Shawn MENDES) et des séries (Maniac, The Good Doctor), habille les beaux bleus marins et célestes de la Riviera transalpine avec des thèmes sympathiques, adaptés. Celui de Luca, qu'on peut entendre déjà dans la suite "How to Find the Good Ones", est une de ces mélodies braves, courageuses. Italie d'un autre temps oblige, l'accordéon fait également son apparition ("Walking is Just Like Swimming"), mais sans tirer sur la corde 'flonflon' ni même appeler à grands cris la dolce vita, comme par exemple la chanson de Tony, durant la scène romantique de La Belle et le Clochard (1955).

Avec "Telescope", on passe des premiers instants pour Luca encore sous la mer avec une très belle guitare à cordes nylon contemplative, au fameux thème qui se pose en valse avec cordes fortes, survolé par une clarinette. C'est touchant au possible, poursuivi par "Go Find Out for Me", encore plus intense dans son élan symphonique. "Meet Luca" comme "Vespa e Libertà" font jouer brièvement le thème principal au synthétiseur ou thérémine, rappelant le côté enfantin des films de Fellini voire certaines mélodies d'Ennio MORRICONE (difficile de parler d'Italie aux U.S.A. sans penser à lui). La harpe est à l'avenant sur d'autres thèmes ("The Curious Fish"), l'ensemble s'écoute agréablement et très facilement en dehors du film. Certains thèmes courts sont parfois eux-mêmes découpés en courtes sous-sections, aidant plus ou moins à la fluidité. Quant aux grands élans d'aventure, trompettes en avant, on les remarque notamment sur "Take Me, Gravity" et autres.

Mais quitte à faire un film sur l'Italie des années soixante, pourquoi ne pas varier les plaisirs et proposer une BO véritablement adaptée, puisant dans ce qu'on écoutait peut-être ici alors ? À l'est de Gênes (vu la direction que prend le train pour s'y rendre), sur le littoral paisible, résonne tout de même la pop italienne et c'est elle qui est dignement représentée ici. Même si, en fait, on commence direct, dès l'écran DISNEY, avec un titre des années 40, à savoir "Un Bacio a Mezzanotte" du QUARTETTO CETRA. La voix veloutée de Lucia Mannucci est ensuite suivie de près par celle, lyrique, terriblement émouvante et au registre des musiques pré-1950, de Maria CALLAS sur le magnifique "O Mio Babbino Caro" (1965) de PUCCINI, pour la scène mouvementée des pêcheurs la nuit au début du film.

Le reste du temps ou presque, quand ce ne sont pas les compositions intelligentes de Dan Romer qui prennent le relais, on entend résonner les voix fortes des chanteurs (Gianni MORANDI, Eduardo BENNAIO) comme des chanteuses (Rita PAVONE, MINA) sur des titres/tubes des années d'insouciance, gloires de la pop italienne même si souvent empruntée aux anglo-saxons. Le "Andavo a Cento All'Ora" par MORANDI et son timbre juvénile illustrent à merveille la construction du scooter rudimentaire. Rita PAVONE et son "Viva la Pappa col Pomodoro" ô combien entêtant avec son refrain en onomatopées peuvent être entendus quand les trois enfants se préparent pour leur course. Enfin, si Adriano CELENTANO est grand manquant, au moins sa partenaire MINA conclue-t-elle le film durant son générique avec, entre autres extraits, le joli "Città Vuota".

Film et BO de qualité, en plus de la curiosité.