AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Ni la note, ni l'appréciation de Frozen, en français La Reine des Neiges, ne sont mauvaises car :

1) "Let It Go"/"Libérée, délivrée" est une bonne chanson, très bonne même,
2) Je n'ai pas d'enfant et n'en côtoie pas de façon régulière, donc pas de quoi me dégoûter de "Let It Go"/"Libérée, délivrée",
3) Si Internet et surtout YouTube, enfin parvenu en 2013 au plus gros de ses capacités et de sa popularité depuis sa création, avaient existé au temps de "Un jour mon prince viendra", de "Il en faut peu pour être heureux", de "Ce rêve bleu", de "Hakuna Matata" et tant d'autres, le problème aurait été le même, et on n'aurait jamais apprécié ces chansons à leur juste valeur sur le long terme !

Il est vrai qu'avec La Reine des Neiges, DISNEY frappe un grand coup durant cette année 2013. Un coup démentiel de la part de Chris Buck (animateur depuis Rox et Rouky, scénariste de Pocahontas et coréalisateur de Tarzan) et Jennifer Lee (scénariste des Mondes de Ralph, première réalisatrice de l'histoire de DISNEY, hors Pixar donc) ; un succès faramineux qui dépasse tout, y compris celui du Roi Lion (1994) et du Monde de Nemo (2003) et devient le plus grand jamais vu dans le cinéma d'animation. Ainsi, à travers un XXIème siècle de réactions à chaud et ultra-connecté à l'internationale, s'ancre durablement l'histoire des soeurs Elsa et Anna, princesses du royaume d'Arendelle, de leur allié Kristoff et d'Olaf le bonhomme de neige qui voulait vivre en été, au rythme des pouvoirs neigeux d'Elsa, pour le moins contraignants.

En tant que fan de DISNEY qui s'en tient au film, on s'en réjouit, en plus de penser qu'un conte de Hans Christian Andersen est, comme en 1989, à l'origine d'une réussite artistique et populaire. Quant au mérite, il reste néanmoins en deçà de celui qu'on pouvait accorder à La Princesse et la Grenouille et à Raiponce. Un trop-plein d'humour et de discours direct, une nouvelle fois (le film aurait été meilleur en gardant un côté sombre et sérieux la plupart du temps), et une bande sonore moins marquante en définitive, ne sauraient toutefois gâcher le plaisir de décors magnifiques et d'autres bonnes idées, allant du doublage (Anna par la délicieuse Kristen Bell en VO) à la musique.

Musique qui, sous la direction de Christophe Beck (Buffy contre les vampires, Very Bad Trip, Percy Jackson) prend des tons glaciaires naturellement, pas assez, hélas. Spécialiste en comédie musicale, Robert Lopez, aidé de sa femme parolière Kristen (pas vraiment un hasard du coup si ce prénom scandinave au féminin revient plusieurs fois !), ne peut se départir d'influences trop ensoleillées et assorties à l'humour du film dans l'écriture des chansons. Pourtant "Love Is an Open Door"/"L'amour est un cadeau" possède un côté reggae/californien frais qui change un peu. Pour ce qui est d'Olaf, "In Summer"/"En été" n'est pas de première qualité mélodique, mais elle use du swing traditionnel de DISNEY de manière plutôt fidèle. Il en va ainsi pour la chanson des trolls.

La Reine des Neiges est, en cela, un cas difficile. L'orchestre est trop hollywoodien, surtout dans les moments d'action, quand il nous charme tant ailleurs, dès qu'il ressort les grelots, glockenspiel, célesta, cordes en croches, autant d'éléments qui épousent la couleur de base de l'histoire, le décor. Sans espérer un résultat à la hauteur de GRIEG ni de Danny ELFMAN, les quelques éléments de musique nordique et sombre nous séduisent et aussi à travers les reels du bal, danses folk rapides. Dès le départ même, avec les choeurs typiques des grands froids, très nasaux et éthérés, puis "Frozen Heart"/"Coeur de glace", la chanson des mineurs, rythmique martiale, lente et appuyée comme on en entend des confins de la Finlande jusqu'aux îles Féroé.

Les enchaînements mélodiques des chansons sont parfois hasardeux et, même problème que pour Oliver et Compagnie entre autres, il convient de les écouter en anglais plutôt qu'en français. C'est particulièrement vrai pour les chansons d'Anna, "Do You Want to Build a Snowman?"/"Je voudrais un bonhomme de neige" et "For the First Time in Forever"/"Le renouveau". Ah, j'oubliais la principale intéressée, Elsa (Idina Menzel, chanteuse au sein de Glee, ainsi que Demi Lovato, doublées en français par Anaïs Delva) qui porte "Let It Go"/"Libérée, délivrée" très haut, tube devenu intemporel et qui prend une dimension sociologique plus grande chaque fois qu'une fille la chante au quotidien. Une très bonne, excellente chanson, en anglais de préférence, aussi bien dans sa version "opéra" de l'histoire que dans celle du générique de fin, plus rock !

S'il n'y a pas de quoi l'élever au rang des plus grands chefs d'oeuvre de DISNEY (disons que c'est le cran au-dessous, juste au-dessous !), à cause d'un équilibre qui ne le fait pas pencher du meilleur côté, il n'y a pas non plus de quoi détester La Reine des Neiges, en le prenant pour ce qu'il est, hors de tout ce qui l'entoure. Et puis ça tombe bien, dans notre époque où on entend dire qu'en France on ne fait jamais rien de bien, les yeux tournés vers la Norvège, l'Islande, où tout semble toujours meilleur ! Allez, un petit La Belle et la Bête, après. Il était une fois...