Après l'équipe DISNEY japonaise, c'est l'équipe canadienne, nouvellement constituée, qui se charge d'une suite, en l'occurrence celle de la Belle et la Bête. Pas vraiment une suite d'ailleurs, mis à part les séquences de début et de fin où l'on voit les personnages du château redevenus humains, le but est de nous plonger, à partir d'un Noël joyeux, dans l'histoire du Noël précédent qui s'est révélé beaucoup plus mouvementé.

Andy Knight - réalisateur à qui l'on doit aussi la série TV animée Inspecteur Gadget et deux ou trois films Astérix - livre ici tout simplement un des quelques DISNEY vidéos, numéros 2 ou autres, qui frôlent l'excellence. Le scénario de Cindy Marcus, Flip Kobler, Bill Motz et Bob Roth tient tout à fait la route et nous maintient en haleine, certes pas autant que le premier dont ce Noël Enchanté reste une sorte de partie cachée (entre le moment où Belle soigne la Bête et la deuxième partie du film) qui nous est contée.

L'anglaise Rachel Portman est la première femme à s'occuper seule d'une bande originale DISNEY, après avoir été la première compositrice de l'histoire du cinéma à remporter un Oscar deux ans plus tôt, en 1996, pour Emma (l'Entremetteuse) de Douglas McGrath. Puisque ce Belle et la Bête 2 doit garder une trame comédie musicale, les chansons sont présentes en une certaine quantité, avec effet de reprises. Le chef d'orchestre, Michael Starobin, est suffisamment ancré dans les productions 90 de nos chers studios pour faire des merveilles.

Les Christmas Carols ou chants de Noël en chorale sont de rigueur mais on s'en contente très bien, avec un traditionnel "Deck the Halls"/"Décorons l'arbre de Noël" bien mené, grâce en partie à l'ajout de plusieurs voix solos. Il en va de même pour "As Long as There's Christmas"/"Tant qu'il y aura Noël", ballade originale cette fois et thème principal du film, triturée sous toutes ses formes durant une heure cinq, mais suffisamment belle pour qu'on ne trouve rien à redire.

L'orchestre de Starobin s'en nourrit à foison dans les parties instrumentales avec des rappels brefs, pour le hautbois en particulier. De même, le générique de fin, interprété par Peabo Bryson et Roberta Flack, forme un beau slow à trois temps (chose rare) et à partir de ce thème, reprenant les éléments alors habituels (piano digital, boîte à rythmes). Bien, bien ! Mieux que pour Winnie.

Si la chanson de Lumière et Big Ben dans le cachot apparaît superflue et colle trop près de la chanson de Belle dans le premier volet, la meilleure des princesses nous réserve un "Stories"/"Histoires" magnifique. La mélodie emprunte à la finale de la Symphonie n°5 de Jean SIBELIUS, au début du refrain pour les écarts de quinte juste – "je-lui..." - et de sixte mineure - "...(ra)con-terai..." - consécutifs, pas ce qu'il y a de plus évident à chanter en voix pleine. Et la lumineuse Bénédicte Lécroart y parvient mieux que sa consoeur Paige O'Hara, indubitablement !

L'accent français revient à flot dans la VO, et les acteurs/doubleurs sont les mêmes. Naturellement, celui qui retient le mieux l'attention demeure Forte, le maestro/grand orgue méchant et effrayant, incarné par Tim Curry (Rocky Horror Picture Show, Ça, Famille Addams, Legend...) en VO et Richard Darbois en VF. Pour ce dernier, en plus d'un duo excellent avec Emmanuel Jacomy (la Bête), il est amusant de rapprocher sa prestation, timbre grave et (comme l'excellent Curry) air guindé, avec celle qu'il avait réalisée pour Dustin Hoffman/le Capitaine Crochet de Steven Spielberg dans Hook (1991).

Les voix de Curry et Darbois sont fortement réverbérées, comme dans une cathédrale, pour l'orgue dans sa pièce froide et isolée du château. Il a droit à sa chanson dans un style très music–hall, mais le plus impressionnant réside dans ces partitions presque atonales, ces ronflements et souffles caractéristiques de l'instrument le plus sophistiqué des siècles précédant le XXème. Sans parler de son nom, Forte, que l'usage donne à la première nuance (ou volume) sonore utilisée en solfège lorsqu'il faut jouer fort, même si ses colères lui font mieux atteindre un fortissimo. Avec les cordes de Starobin, il se dégage une ambiance folle, glaciale, dantesque (l'affrontement avec la Bête !).

En comparaison avec les chansons et autres partitions musicales lumineuses, on a ainsi un ensemble hybride rarement exploité par DISNEY, mais autant réussi qu'à l'époque de Bernard et Bianca (1977), dernière B.O. où l'on a entendu un orgue soliste dérangé d'ailleurs, comme par hasard. Ce film, où la musique demeure parfaitement incluse à l'action, de fait, est à entendre comme à voir. Pour les chansons simplement, la version anglaise garde la tête d'un point de vue qualité !