AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Le problème avec Thomas NEWMAN, c'est que l'on sait à quoi s'attendre. Presque vingt ans ont passé depuis Le Monde de Nemo (2004), pour bien sûr ne rester que dans le spectre DISNEY/Pixar, mais on sait à peu près ce que le compositeur réserve à Élémentaire (en VO Elemental), film qui réalise de très beaux scores post-Covid. Un fait pour le moins réjouissant et à l'image de la beauté proposée.

L'intrigue est assez simple : un couple de Flamboyants vient s'installer dans une grande ville moderne où ils sont mal perçus, notamment par les Aquatiques (tout le monde correspond à un des quatre éléments), mais ça ne les empêche pas de fonder un grand magasin de pâtisseries et un foyer. Leur petite, Flam, est pressentie pour reprendre l'entreprise, mais sa nature angoissée et colérique la pousse à malmener les clients difficiles. Un jour de 'tempête' (le premier des soldes), elle créé des dégâts des eaux et se retrouve avec un jeune Aquatique (appelé Flack) qui est aussi contrôleur municipal. Alors que celui-ci, moins par méchanceté que par devoir, va faire fermer la boutique, Flam va tout faire pour se rattraper, et son lien avec Flack va s'en trouver plus que grandi...

Loin des contes, l'histoire très 'à la Pixar' tout comme le design nous offre un bout de Zootopie (2016) mélangé à un autre de Vice-Versa (2015), et à un degré d'intrigue humble, presque oubliable en fait, tant tout s'efface à côté de ce qui s'avère être l'une des trop rares épopées d'amour classique, forte et belle, offerte par DISNEY en ces dix-quinze dernières années. Plus guère de vrais gentils ni vrais méchants, de princesses et de princes aux grandes personnalités, mais nos protagonistes d'Élémentaire ne s'en sortent pas trop mal, le film étant agréable à suivre, en dehors du soin apporté à la technique. Peu de doublage notable malgré quelques sommités américaines autant que françaises ; notons juste le personnage secondaire de Brook Ripple/Aquanetta Delamarre (la mère de Flack), incarné par Catherine O'Hara ("KEVIN !!!") d'un côté de l'Atlantique et, de l'autre, Céline Monsarrat (Dory ! En parlant de Nemo, tiens).

Un relatif bon point donc pour Peter Sohn, à qui on devait déjà Le Voyage d'Arlo (2015), et il n'est pas incongru de penser à ce dernier à l'écoute, pas plus qu'au petit poisson rouge qui a marqué les esprits par deux fois depuis 2004. Thomas NEWMAN revient tout simplement et de nouveau à sa grande passion de mélodies en lydien, de percussions exotiques ainsi que des chants 'world' mélangés à de l'orchestre, des boucles programmées. Le résultat, très vite cerné, est à l'avenant en termes de brillance, d'unité, moins d'un point de vue qualité. C'est beau, comme souvent avec ce type de BOs, mais déjà dans le film, ça tourne en rond, alors sur disque et pendant plus d'une heure et demie, n'en parlons pas.

L'élément qui ressort le mieux de ce côté, c'est la force prépondérante des influences prélevées dans la région (certes vaste) du monde comprise entre Inde et Indonésie (Bali). Les noms de titres en sanskrit, les percussions à lamelles, anklungs etc égalées en présence par les sitars et tablas, avec l'ajout de samples divers et de violons symphoniques, tout cela fait l'identité d'Élémentaire, peut donner de quoi plaire aux amateurs de ces musiques comme aux néophytes. Le cocktail est bon mais riche, et parfois beaucoup trop : "Stop Wade!", pendant la course-poursuite de Flam après Flack le jour des soldes, en est l'exemple criant, avec un phrasé oriental funky et haché pour intro absolument indigente (même si d'aucuns trouveront 'cool'). Le couple sitar-tabla qui survient ensuite, de même que la basse goulue, apportent un net meilleur au morceau.

De même autant la plage musicale éponyme du film nous navre par certaines variations incongrues, autant le début avec juste la guitare contemplative suffisait parfaitement. NEWMAN propose ici de l'incons(is)tance, beaucoup trop de matériel et de la redite pure et simple, dans laquelle surnagent des moments forts. Mike OLDFIELD ne saurait renier "Hot Air Balloon", symbole d'une world planante bien arrangée, avec arpège de guitare approprié. Le piano de "Blue Flame", le jazz inédit et traditionnel de "Meet the Ripples" viennent percer l'unité sans départir de la qualité. La talking drum hindoue que SHANKAR, également violoniste de renom, a apporté à la musique occidentale depuis les années 80 (Phil COLLINS, Peter GABRIEL etc) trouve, en vitalité plus ou moins marquée, autant de bons échos ici ("Beach Glass", "Pipe Blows") pour décrire les inondations, que de mauvais ("Firetown Flood").

C'est naturellement dans les titres les plus organiques, souvent avec de la guitare, que la 'soundtrack' tire sa meilleure épingle du jeu ("Bubble Date", "Mineral Lake"). Ils sont parfois trop courts et noyés dans l'ensemble, mais ils sont une raison supplémentaire de réaliser un détour par l'écoute sur album extérieur au film. N'oublions pas la chanson du générique de fin, "Steal the Show", r'n'b de luxe et aéré par LAUV, artiste américain collaborateur de Charlie XCX, Demi LOVATO ou encore BTS, groupe de la même nationalité sud-coréenne que Peter Sohn le réalisateur. Un moment agréable, à défaut d'être mirobolant. Comme la BO d'ailleurs, mais nous l'avons dit : avec Thomas NEWMAN, on sait à quoi s'attendre !