AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

1989 : Ariel, 1992 : Jasmine, 1997 : Megara, 2009 : Tiana, 2016 : Vaiana (ou Moana en VO et au Québec). On peut dire que la carrière des réalisateurs John Musker et Ron Clements, piliers des studios DISNEY, est jalonnée de prénoms féminins symboliques, belles princesses intelligentes, courageuses et souvent romantiques, ce qui ne les empêche pas d'être actives. Vaiana songe d'abord à s'échapper de son village insulaire et voguer au-delà des récifs de la côte qu'elle a toujours connue, limite imposée par son père le roi. L'esprit de l'océan la désigne comme élue pour aller chercher le héros/demi-dieu Maui et l'obliger à rendre à la déesse Te Fiti son coeur, une pierre précieuse qu'il lui a dérobée.

Ceux qui ont aimé le disque The Songs of Distant Earth de Mike OLDFIELD se souviennent certainement, d'abord de sa pochette très bleue (même si ce n'est pas la mer) et ensuite de son final qui était un choeur de femmes polynésiennes, originaire de l'île de Tubuai. Après s'être intéressé à Bali dix années plus tôt, le génie musicien anglais était parti voguer dans ces eaux-là, les mêmes que celles de Vaiana et de sa tribu, une figuration des Maoris par DISNEY donc. Il est amusant de constater que le film s'ouvre exactement de la même façon, avec une chorale qui introduit en douceur une histoire superbement marquée par les tons bleus : l'eau pure, le ciel ensoleillé... Chant nasal de femmes, effet tout ce qu'il y a de plus traditionnel, mais enchanteur au possible.

"Tulou Tagaloa" est interprétée par Olivia Foa'i ; c'est un artiste homonyme, Opetaia Foa'i, qui co-écrit les chansons avec le New Yorkais Lin-Manuel Miranda. Celui-ci a, un an plus tôt en 2015, fourni un morceau au nouvel opus de Star Wars. Foa'i reprend les choses là où elles ont été laissées en 2002 avec l'excellent Lilo & Stitch, également empreint de culture d'Océanie. Pas de rock'n'roll ici cette fois, mais des couleurs aussi belles, visuellement comme musicalement !

Pas d'Elvis, mais un Dwayne "The Rock" Johnson, catcheur repenti qui prête sa voix à Maui et plutôt bien pour son "You're Welcome", en français "Pour les hommes" et par Anthony Kavanagh, doubleur de Johnson. Le titre, dans une veine pop-jazz, n'est pas ce qu'il y a de mieux, mais se laisse gentiment écouter, tout comme l'autre chanson masculine, celle du crabe Tamatoa, "Shiny". On se dirige plus vers un pop-blues reggae pépère, où tout l'attrait réside dans la prestation de Jemaine Clement, humoriste néo-zélandais. Après le générique de fin, on le revoit et il se compare à Sébastien, autre crabe qu'on connaît bien et qu'on préfère, au chant aussi d'ailleurs.

Parmi les autres chansons, "Where You Are"/"Notre terre", celle du village, est la plus dansante, illuminée par les échanges masculins et féminins des voix. "We Know the Way"/"L'explorateur", "Know Who You Are"/"Te Fiti", en dépit de leurs titres, sont des ballades plus ou moins rythmées par les percussions tribales, et toutes belles. Vaiana (Auli'i Cravalho) y chante seule ou accompagnée par une chorale masculine (ses ancêtres), et elle a aussi droit à son "air de princesse", naturellement : "How Far I'll Go", "Le bleu lumière". Constructions mélodiques simples mais efficaces, on apprécie leur caractère aérien, en accord avec la beauté des images même si, pour être tout à fait honnête, on a connu mieux par le biais de la paire Clements/Musker, et de Mark Mancina aussi.

L'arrangeur du Roi Lion, collaborateur de Phil Collins pour Tarzan ainsi que Frère des Ours, enfin compositeur pour Planes, n'a pas perdu la main lui non plus. On pourrait regretter que l'orchestre sonne une fois de plus trop cliché et basique, notamment durant le combat contre Te Ka (il y a, dans cette fin, un air de L'Oiseau de Feu, meilleur court-métrage de Fantasia), mais les percussions fournissent un beau travail. Surtout qu'à côté des tambours de guerre, il y a des marimbas, des xylophones qui se joignent bien à la fête. On retrouve ce mariage lors du générique final, entre une version r'n'b de "You're Welcome" passable et une de "How Far I'll Go" plus électro par la chanteuse Alessia Cara. Rien de très original donc, mais quand c'est bien fait, c'est bien fait.

Dernier point fort de la musique, les flûtes en bois qui conduisent l'ensemble de façon régulière. Le moment où Vaiana découvre les navires de son peuple, cette valse de flûtes qui enchaîne avec un élan de chorale est hautement séduisant, celui où Maui lui apprend à naviguer aussi. Lorsque la grand-mère de la princesse meurt, flûtes, cordes et cuivres s'unissent pour un instant d'élégance à faire naître les larmes. Ce sont des brièvetés bienvenues au cours d'une aventure dynamique et plaisante ; même si le niveau n'atteint pas les plus grands classiques, la poésie est palpable, visible, audible, et sur ce dernier critère, pas moins en français qu'en anglais.

Le discours écologique est à la fois important et mesuré, pas de "les méchants hommes doivent payer" etc, un bon point de plus. Et puis il s'agit encore d'une princesse pour laquelle John Musker et Ron Clements se sont bien appliqué, et DISNEY bien sûr, encore. Rêveur, romantique, de cette formule je ne me lasserai jamais. Il était une fois...